Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/204

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semblaient faire un effort pour atteindre deux têtes de léopards, et leurs petites figures poupines semblaient aussi vouloir s’embrasser. Le tout était recouvert de peinture blanche, peu avantageuse pour le sujet.

M. de Maupassant tira alors le lit au milieu de la chambre, puis il me fit quitter ma faction du côté des lampes pour venir l’aider à tendre une grande bande d’étoffe noire dans l’alcôve. Après quoi, il me fit approcher une lumière contre le mur pour bien éclairer le derrière de la glace. Pendant ce temps, il s’était caché derrière la toile noire, où il se mit à émettre des sons imitant une douce musique. Ce ne fut pas long, les deux gaillardes sortirent de leur retraite, gagnèrent le bord de la corniche et, au pas de course, se réfugièrent dans la partie sombre, entre la toile noire et le fond de l’alcôve, où elles furent capturées. On mit leurs cadavres sur une assiette avec ceux des petites araignées prises les premières, et escortés de Pussy et de Pel, nous allâmes porter ces dépouilles peu ragoûtantes à la mare aux poissons. Les cadavres des plus petits insectes furent de suite happés, mais pour ceux des gros, cela prit un certain temps. Ce que voyant, mon maître me dit : « J’ai peut-être eu tort de donner ces grosses araignées aux poissons, car elles ont des ventouses très venimeuses. Vous voyez comme les poissons hésitent à les prendre. Sentiraient-ils le venin ? C’est très possible. Ce sont des bêtes aussi dangereuses par leurs fortes serres que par le venin qu’elles jettent de leurs ventouses.

Pussy assistait, très sérieuse, à cette séance. Quant à Pel, il gambadait sans arrêt et sautait de temps en temps après son maître. Ce pauvre Pel n’a rien du « comme il faut » ni de l’intelligence de son père, le grave Paff !