Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/296

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En entrant dans la chambre à coucher, je vois sur le chef-d’œuvre de Rodin qui orne la cheminée, sur cette chimère au visage méchant, aux yeux de fauve, qui emporte un malheureux dans une allure folle, la feuille d’analyse des urines de mon maître, où les docteurs vont lire et résumer son état de santé…

Il est 3 heures de l’après-midi ; les médecins sont là. Du salon où je les ai introduits, ils passent dans la bibliothèque avec mon maître. Quelques minutes après, ils reviennent au salon ; le tout n’a pas duré une demi-heure. Je scrute avec anxiété la physionomie de M. de Maupassant ; le diagnostic ne semble pas l’avoir effrayé, mais il paraît ennuyé, il a son teint des mauvais jours. Je me permets de lui demander ce qui s’est passé, mais il est préoccupé et me répond à peine. Il marche sans répit d’un bout à l’autre de l’appartement, je le laisse se ressaisir…

Une demi-heure après, je lui apporte un lait de poule au thé, qu’il prend avec plaisir ; il me dit d’enlever une série de flacons à parfums qu’il a retirés de son cabinet de toilette. « Toutes ces odeurs, me dit-il, m’ont fait beaucoup de mal. »

Pendant son dîner, il m’avoue que de la réunion de ces messieurs il n’augure rien de bon pour sa santé dans l’avenir, que Paris du reste lui est néfaste et que nous allons partir pour Cannes. Il me fait ensuite un exposé de ses forces physiques, me laissant bien entendre qu’il compte sur elles pour se remonter, et il ajoute qu’il aurait besoin d’un long repos… ; et surtout de ne plus voir la dame de marbre, qui lui fait tant de mal !…

Voici que mon pauvre maître se livre à moi entièrement. Il me fait une courte confession… Sur le moment,