Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/297

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il m’inspire tant de pitié, j’éprouve une si grande peine, que le courage me manque pour lui faire la moindre remontrance. Je dois cependant avouer que pendant le mois qui venait de s’écouler, j’étais souvent sorti de mon rôle de domestique en me permettant de donner des conseils, aussi souvent que l’occasion se présentait et selon les circonstances. Il arrivait bien quelquefois que mes allusions allaient un peu loin ; mon maître, qui en avait très bien compris le sens, ne répondait pas.

Ce soir-là, sans doute, son cœur était trop plein, il avait laissé échapper des paroles, qui étaient un aveu, dans une réponse qui semblait donner raison aux recommandations nombreuses que je lui faisais discrètement depuis si longtemps. La simple sagesse me suggéra de lui rappeler que la meilleure science pour vivre est de savoir écarter de sa route tout ce qui peut faire trébucher et veiller sur sa santé, le premier de tous les biens.


Le 21, mon maître écrit à sa mère ; le 22, il règle ses comptes chez ses éditeurs.

Je suis occupé aux emballages. M. de Maupassant me donne différents objets qui voyageront en petite vitesse, un ou deux dictionnaires en double (il en a déjà à Cannes), quelques œuvres rares d’auteurs anciens, qu’il veut relire avant de les rendre à sa mère à qui ils appartiennent…

Un sac spécial que nous prendrons avec nous contient des manuscrits et quelques lettres… Le 28, tout est prêt ; le 29, vers 7 heures, nous descendons, la voiture nous attend à la porte. La concierge, bonne et simple femme, s’attendrit sur notre départ et verse des larmes sincères.