Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/298

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Mon maître lui a donné ses étrennes ce matin, en lui disant qu’il serait absent au Jour de l’An…


Chalet de l’Isère, 2 novembre. — De la fenêtre de sa chambre, mon maître voit la pleine mer, la pointe de l’Estérel qui avance dans la nappe bleue et aussi le phare. Il est ravi de cet horizon et de son logis, qui répond bien à ce qu’il désirait pour se reposer. Il est seul dans sa petite maison, pas de piano ni en dessous ni au-dessus, pas de proches voisins, une vue étendue et son petit jardin au centre duquel il fait planter une corbeille d’œillets. Du premier étage, ce bout de jardin paraît quelque chose, il se trouve agrandi par la continuation de celui de Mme Littré, la veuve du savant.

Nous jouissons d’une arrière-saison superbe ; aussi Monsieur en profite pour faire des promenades en mer ; son bateau semble lui tenir au cœur plus que jamais… Malgré la douceur du climat, mon maître me dit que, la nuit, la température de sa chambre change très vite et tombe bas au matin. Cela tient à ce qu’au-dessus de cette chambre il n’y a qu’un grenier. Ce même jour, je me rends à une scierie mécanique en suivant la berge d’une rivière qui vient du Cannet. Dès le lendemain je fais répandre sur le plafond une couche de sciure de cinquante centimètres. Cette précaution suffit pour maintenir dans sa chambre, grâce à un peu de feu, une température régulière.

Des amis de Paris sont ici pour quelques jours seulement ; ils ont l’intention d’acheter ou de louer une villa pour l’hiver. Mon maître les promène en voiture et en bateau ; il fait son possible pour leur être utile, car ils sont âgés. Quant à lui, il a repris son Angelus, auquel il travaille avec une lenteur obstinée.