Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/66

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donna à mon maître l’idée d’écrire sa chronique sur les chats.

Le matin, il se plaît beaucoup à faire les cent pas dans une allée, à droite de la maison, formée d’énormes lauriers d’espèces variées, de poivriers, de beaux palmiers. Au bout, la serre, puis un plant d’oliviers, dont plusieurs centenaires ou à tronc bifurqué ; les deux parties poussent très bien quoique ne prenant vie qu’à une seule souche ; sur le faîte, de très longues branches se dressent comme si elles voulaient s’élancer plus haut encore vers le ciel.

Mon maître aimait se promener sous ces arbres ; il y passa plusieurs matinées, s’intéressant à la récolte des olives. Des femmes portant des vêtements d’hommes étaient perchées dans les branches ; armées d’une gaule, elles frappaient fortement autour d’elles et les fruits tombaient sans bruit sur la couche de verdure qui couvre la terre. Des ramasseuses les mettaient alors dans des paniers, et ensuite dans des sacs. Monsieur, qui était grand observateur, suivit très attentivement cette cueillette, et plus d’une fois, non content d’avoir passé la matinée à regarder ce travail, il voulait y retourner l’après-midi. Dès qu’il avait fini sa partie avec le chat, il s’en allait par le sentier qui passe sous les oliviers, où les femmes travaillaient, son chapeau gris un peu enfoncé sur les yeux, sa grosse canne à pic à la main. Il faisait alors semblant de marcher vite tout en retenant son pas, et s’arrangeait pour passer le plus près possible des groupes de ramasseuses ; le soir, pendant le dîner, il racontait à sa mère toute sa satisfaction d’avoir pu examiner les détails de cette récolte qui pourraient lui servir plus tard. « Car vraiment, ajoutait-il, à part le côté comique, on y trouve beaucoup de poésie. »