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LE DRAME.

Des plus fameux coteaux le liquide trésor
Brillait dans le cristal ; les mets fumaient dans l’or ;
C’était un bruit confus d’extravagante joie,
Un chaos de joyaux, de plumes et de soie ;
Et mes bras lentement se croisaient sur mon sein,
Et mes lèvres disaient avec un froid dédain :

« Dans cet Éden d’opulente élégance,
 » Élus nouveaux, portez un front moins fier ;
 » Car, d’aujourd’hui, la superbe arrogance
 » Trahit trop bien la bassesse d’hier !
 » Vous oubliez, échappés de la rue,
 » De cette route, en hâte parcourue,
 » Quelques témoins trop lents à s’effacer ;
 » Baissez les yeux ; vos pieds souillés de fange
 » Disent assez par quel chemin étrange,
 » Avant cette heure, il vous fallut passer !

 » Quelle pitié, sur quelque sein immonde
 » De voir briller le signe de l’honneur !
 » Sur un beau front, quelle pitié profonde
 » De voir briller le prix de son bonheur !
 » Pitié, de voir prodiguer l’harmonie,
 » Prostituer les arts et le génie,
 » À cette tourbe imbécille à moitié !
 » Mais quoi, ce monde est un bazar infame
 » Où pour gorger son corps, on vend son âme…
 » Pitié sur vous, pauvres riches, pitié !

 » C’est là pourtant ce qui fait notre envie !
 » Des jours perdus, un vertige insensé,