Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/114

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d’Amitié du Suprême Directoire Dogmatique de Charleston. En réalité, Cresponi est une sorte d’espion surveillant le grand-maître Adriano Lemmi pour le compte de l’anti-pape luciférien.

Il faut croire que ma physionomie plut au frère Cresponi ; car, séance tenante, il m’invita à dîner au restaurant Bansard, où il prenait ses repas. Le frère Hobbs fut invité aussi ; mais il ne put accepter, étant attendu chez lui. Je restai donc avec Cresponi ; il fut convenu que ce serait lui qui me conduirait au temple extra-muros, — je devrais dire : aux temples, — où devait avoir lieu, dès la tombée de la nuit, la solennité à laquelle j’avais maintenant hâte d’assister.

En dinant, nous bavardâmes, comme on pense ; ce fut, naturellement, le spiritisme qui fit les frais de la conversation.

Avec quel rire bruyant Cresponi lançait les éclats de son hilarité, lors qu’il parlait des spirites de salon et de leurs tables tournantes, qui, les trois quarts du temps, sont muettes ! Quelle différence, disait-il, avec les prestiges des sociétés de cabale et de théurgie !

Il me fit le recensement des spirites du monde entier, pays par pays. Cet homme a une mémoire étonnante.

Il me cita des noms, dont quelques-uns me surprirent. Pour la France, je notai au passage M. Jules Lérmina, M. Auguste Vacquerie, ce dernier, par extraordinaire, n’étant pas franc-maçon.

Il me pria de venir à Rome ; court voyage qui me serait possible, la première fois que je ferais une station de vingt-huit jours à Marseille. Je verrais, grâce à lui, me promettait-il, le grand-maître Adriano Lemmi[1], le Chef d’Action politique de la franc-maçonnerie ; et, en effet, il me tint plus tard sa promesse. Par Cresponi, j’ai connu de près l’illustre frère Lemmi, qui a juré d’expulser, avant de mourir, la papauté de l’Italie. Et si je suis en mesure de consacrer au grand-maître romain un chapitre spécial, c’est à Cresponi que je le dois.

Certes, je crois fort aussi que, lorsque ces lignes tomberont sous les yeux de mon ami Tomaso Cresponi, il esquissera sans doute une vilaine grimace, et peut-être me gardera-t-il rancune de mon indiscrétion. Mais, baste ! s’il me fallait prendre souci des rancunes et des grimaces des gros

  1. Si des francs-maçons me lisent, je les prie de ne pas croire à une erreur de ma part lorsque je cite le nom d’Adriano Lemmi comme étant celui du grand-maître d’Italie en 1880. Le frère Garibaldi, grand-maître titulaire, vivait retiré dans son îlot de Capera, et le véritable grand-maître, celui auprès de qui les diverses autorités maçonniques accréditaient leurs représentants dits Garants d’Amitié, était bien le frère Lemmi, portant le titre de grand-maître adjoint. Il en fut de même sous la grande maîtrise du successeur de Garibaldi ; c’est toujours Lemmi, qui a réellement exercé le pouvoir. J’ai fait la connaissance d’Adriano Lemmi, en 1882, lors d’un voyage à Rome, où je me trouvai en compagnie de nombreux francs-maçons français, notamment le frère Yves Guyot, dont je narrerai certaines transes, et qui ne doit pas avoir oublié la cérémonie d’intronisation du frère Giuseppe Petroni comme grand-maître titulaire, ni la réunion du palazetto Sciarra où furent proférées les plus odieuses menaces contre le Vatican.