Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/152

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maines, tout va là en dernier ressort. Les animaux et les hommes y pourrissent côte à côte, entremêlant leurs ossements dans une inexprimable confusion. Aussi loin que la vue s’étend, elle ne rencontre que des amoncellements de cadavres et de charognes, déversés au hasard des tombereaux.

Ce gigantesque charnier, on le conçoit, répand une odeur épouvantablement fétide ; il faut avoir le cœur chevillé pour s’en approcher, et, à plus forte raison, pour y pénétrer. Il est de toute évidence que c’est bien là un endroit diabolique, une de ces solitudes sans bornes de la mort comme l’imagination la plus délirante d’un fou n’aurait jamais osé en concevoir. Et voilà des centaines et des milliers d’années que cela dure, voilà des siècles que ce colossal dépositoire de pourritures empoisonne l’air par émanations contagieuses et l’eau par souterraines infiltrations également corruptrices, sans que les gouvernements aient songé à intervenir au nom de l’hygiène générale du globe. C’est à Dappah que se trouve le réservoir, le conservatoire des maladies épidémiques, peste et choléra principalement, qui par intervalles s’échappent comme par bouffées et s’abattent sur le monde épouvanté. Dappah est, en résumé, l’infect et formidable laboratoire, à découvert, où Satan, l’ange de la mort ignominieuse, mélange, pétrit, cuisine les maladies horribles et meurtrières qui lui permettent de décimer, de faucher, en coupes sombres, l’espèce humaine tant détestée par lui ; de Dappah, il déchaîne tous les fléaux, au moyen desquels il assouvit sa haine contre les créatures de Dieu.

Or, ces réflexions venaient à mon esprit, pendant que, suivant la bande et ne me préoccupant pas de la longueur du chemin, je m’acheminais vers ce lieu maudit, ayant quitté tous ensemble les sept temples de Mahatalawa.

Les frères Hobbs et Cresponi me tenaient compagnie. Ils m’expliquaient que nous allions, à la clarté de la pleine lune, former « la chaîne magique » avec les cadavres de la plaine de Dappah.

Ici, il convient de préciser et de faire connaître la théorie des occultistes, pour la vouer au mépris et à l’indignation des honnêtes gens.

Selon Hobbs, qui m’exposait le système, d’accord en cela avec tous les professeurs de cabale, il existe un grand agent magique appelé « lumière astrale », que les anciens alchimistes désignaient sous le nom d’azoth et de magnésie ; et cette lumière astrale, émanation de la divinité luciférienne, constituerait une force occulte, unique et incontestable, qui serait la clef de tous les empires spirituels, le secret de toutes les puissances surnaturelles. Posséder cette force, c’est être apte à accomplir des prodiges ; savoir s’emparer de cet agent, c’est être dépositaire