Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/185

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forfaits ; les grands crimes de famille flétris par la Bible reviennent à l’esprit ; on se demande si le feu du ciel ne va pas bientôt réduire en cendres ce foyer d’iniquités que la géographie désigne sous le nom de Singapore, comme autrefois le Seigneur détruisit les villes maudites de la Pentapole.

Sans doute, si Singapore a été préservée jusqu’à présent de la colère du ciel, elle le doit à la présence des bons chrétiens qui se trouvent dans la ville ; car, au sein même de la cité maudite, le catholicisme a réussi à s’implanter. Il y a là un évêché même, des églises où Dieu est adoré, où sa parole est enseignée ; ces églises ont été fondées par l’admirable société des Missions étrangères de Paris. Les fils du bienheureux Jean-Baptiste de la Salle, les dévoués et modestes éducateurs du peuple, les frères de la Doctrine chrétienne, ces vaillants si calomniés par la presse impie, ont créé, eux aussi, un établissement à Singapore ; c’est une magnifique école, qui, espérons-le, sera une pépinière de conversions dans l’avenir ; toutes les religions et toutes les castes y sont admises. Mais, hélas ! jusqu’à présent, les catholiques sont à l’état d’infime minorité dans cette ville d’environ 150,000 habitants, et ils sont à mille lieues de soupçonner les sacrilèges épouvantables qui se commettent à quelques pas d’eux. Du reste, ils ne pourraient rien pour les empêcher ; toutes les infamies sont sous la protection du gouvernement anglais.

Singapore compte plusieurs temples protestants, soit de la secte presbytérienne, soit de celle moins dangereuse des épiscopaux, une synagogue juive, des mosquées malaise et arabe, des temples hindous, dont un réservé aux adeptes du fakirisme, des bonzeries chinoises, sans compter les loges maçonniques s’affichant orgueilleusement comme si elles étaient de véritables églises. Narguant le vrai Dieu, semblant le défier avec audace, toutes les idolâtries ont leur sanctuaire dans cette cité infernale.

J’ai eu bien des indignations au cours de mon enquête, indignations que je maitrisais de mon mieux, que j’ensevelissais au fond de mon âme pour pouvoir aller jusqu’au bout ; mais j’avoue en avoir peu éprouvé de semblables à celle qui, à Singapore, faillit me faire renoncer à ma mission. C’est là que j’assistai pour la première fois, non plus à des parodies, non plus à des évocations d’un résultat discutable, mais à des profanations d’une monstruosité inouïe, effroyable, et à des manifestations sataniques dont le caractère n’était plus douteux.

Je m’étais rendu, un soir, à l’un des locaux maçonniques ordinaires. Un aréopage de Kadosch, appartenant à l’écossisme, avait sa tenue. Avant l’ouverture des travaux, je me promenai, suivant l’usage, dans le parvis, me demandant si je devais me faire annoncer simplement comme