Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/199

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À droite, le chevalier et la chevalière d’éloquence ; à gauche, le chancelier-secrétaire et la grande maîtresse des dépêches.

Dans la salle, frères et sœurs mêlés étaient répartis en deux groupes principaux, qu’on appelle les camps. Entre les deux camps, on voyait un lit antique, de style grec, très bas, nommé le Pastos, et sur lequel était étendu un frère, contrefaisant le mort. Au pied du Pastos, et de chaque côté, il y avait une urne funéraire où brûlait de l’esprit-de-vin. À gauche, entre le Pastos et la balustrade, on remarquait encore une tablette portée par une petite colonne et recouverte d’un tapis blanc avec bordure de triangles blancs et noirs ; sur cette tablette se trouvait une sphère terrestre, autour de laquelle s’enroulait un serpent en carton durci, la tête dominant la sphère.

Les Européens, en habit de soirée, des Anglais principalement, formaient la majorité de l’assistance ; des Indiens et des Chinois, en costumes nationaux, complétaient la partie masculine de la réunion. Quant aux dames, elles appartenaient, toutes sans exception, à la colonie anglaise. Les hommes portaient en camail le cordon palladique, semblable à celui du grand-maître Spencer, et, en écharpe ou autrement, le cordon de leur plus haut grade dans un autre rite non luciférien. Les femmes, au contraire, n’avaient, en fait de cordon, que celui du grade de Maitresse Templière, comme mistress Vandriel, la grande-maîtresse ; mais le bijou, qui était suspendu à l’extrémité, était un petit poignard, au lieu du trident. Comme mistress Vandriel, elles avaient le collier et les bracelets décrits plus haut ; mais elles ne portaient ni la broche pentagramme, ni le diadème. Toutes, ainsi que la grande-maîtresse, étaient en toilette de soirée, blanche ; la robe, retroussée du côté gauche jusqu’à la hauteur du genou, pour laisser voir la jarretière des sœurs maçonnes, jarretière en satin blanc où la devise Silentium et Virtus est brodée en soie bleue. Frères et sœurs avaient enfin le tablier triangulaire palladique, blanc et noir.

Lorsque j’entrai avec dix autres visiteurs, nous allâmes nous placer sur les banquettes de droite ; cette partie de la salle se nomme « le camp de l’Afrique ». En effet, dans toute réunion où sont des dames, les noms des points cardinaux sont remplacés par ceux de parties du monde. L’orient devient « l’Asie » ; la porte d’entrée s’appelle « l’Europe » ; vis-à-vis de moi, j’avais « le camp de l’Amérique ».

À ce moment, l’initiation n’était pas encore bien avancée.

Miss Arabella, la récipiendaire, une belle fille de vingt-cinq ans, grande, robuste, ni maigre ni grasse, le regard mauvais, le nez légèrement effilé, la bouche pincée, était debout, à la tête du Pastos, à côté de la sphère au serpent, entre les deux camps. Elle était, elle aussi, en toi-