Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/296

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pouvoir ; il y trouve des auxiliaires pour propager parmi le peuple la haine contre les catholiques ; les seules associations poursuivies parfois sont celles essentiellement politiques et où se fomentent des complots contre la dynastie régnante. N’importe, les lucifériens chinois poussent la précaution jusqu’au point que je viens d’indiquer ; il n’en est pas un seul qui ne soit disposé à mourir même dans les tourments, afin de démontrer que la perspective de la torture la plus terrible ne l’effraie pas. Vivant dans cet état intellectuel, ils sont toujours prêts aussi, cela est aisé à comprendre, à assassiner tout missionnaire, qui, s’écartant trop des villes ouvertes aux étrangers, tomberait entre leurs mains.

Les frères de la San-ho-hoeï procèdent à ce criminel tirage au sort assez fréquemment, environ quatre ou cinq fois par an. Il est utile d’ajouter que le sacrifice sanglant n’a pas lieu chaque fois ; car il faut que l’adepte, après avoir été désigné par le hasard, soit ensuite formellement agréé par Lucifer. S’il est agréé, — nous allons voir comment le roi des enfers fait connaître que le sacrifice lui plaît, — l’adapte est exécuté séance tenante, dans des conditions tout à fait horribles.

Nous rentrâmes dans le premier temple.

Le grand-sage du Milieu, qui avait, ainsi que ses deux acolytes, quitté les ornements sacerdotaux catholiques, dont il s’était affublé par dérision, invita tous les frères reçus depuis le dernier sacrifice du sang à s’approcher de l’autel du Dragon-Baphomet. Neuf adeptes montèrent à l’orient. Chacun écrivit, au pinceau, son nom sur une carte ; les neuf cartes furent pliées, jetées dans un sac, qu’agita un dignitaire ; puis, le grand sage tira du sac, l’une après l’autre, trois de ces cartes et lut à haute voix les noms qui s’y trouvaient :

— A-fou !… Sheu-tong !… Yeu-sing !…

Les six affiliés dont les noms n’étaient pas sortis descendirent de l’estrade et revinrent s’asseoir à leurs places. Les trois autres, c’est-à-dire les frères A-fou, Sheu-tong et Yeu-sing restèrent à l’orient ; ils venaient d’être désignés ainsi pour jouer le rôle de sacrificateurs dans la lugubre tragédie qui se préparait.

Le grand-sage éleva de nouveau la voix :

— Que le sort, dit-il, désigne à présent celui d’entre nous qui, si notre Dieu l’agrée, ira aujourd’hui se réunir à lui dans le feu de l’infinie purification !

Tous les assistants, alors, — sauf les trois visiteurs, dont j’étais, — défilèrent devant la table du secrétaire, et chacun inscrivit au pinceau son nom sur une petite carte, ainsi qu’avaient fait précédemment les neuf derniers initiés. Les cartes, pliées une à une, furent ajoutées aux six qui étaient restées dans le sac, tenu par un des dignitaires ; celui-ci