Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/322

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de vrais musées où l’on circule, entre les rangées de tombes, plein d’admiration pour les sculpteurs italiens qui ont prodigué là des statues, dont beaucoup sont des chefs-d’œuvre. Eh bien, à Charleston, une promenade au cimetière porte, non plus à l’admiration, mais à une douce rêverie, sans les moindres idées tristes ; on s’abandonne à l’incohérence des pensées, comme lorsqu’on parcourt les allées d’un parc sans but aucun, et les préoccupations, si l’on en a, disparaissent, s’évanouissent. Oh ! ce cimetière aux grands arbres toujours verts, aux belles fleurs blanches des magnolias embaumant l’odeur la plus suave, je ne l’oublierai jamais ! C’est, certainement, le plus beau cimetière qui existe aux États-Unis, et peut-être dans le monde entier…

Le siège du Suprême Directoire Dogmatique, le Vatican de la franc-maçonnerie universelle, dont je donne le plan (voir page 297), n’a rien de remarquable extérieurement. C’est un large édifice, à proportions vastes, mais voilà tout ; c’est de la bâtisse sans originalité, dont l’architecte semble avoir cherché, mais en vain, à produire quelque chose d’un peu fantasque ou fantastique, si vous préférez ; en un mot, c’est du raté. Je parle du local actuel, bien entendu, lequel forme l’angle des rues King et Went Worth. L’édifice d’aujourd’hui n’existait pas, lors de mon premier voyage ; le Suprême Directoire Dogmatique ne s’y est installé que vers la fin de 1883. L’immeuble a coûté 22,000 dollars (soit 110,000 francs), avant de subir sa transformation extérieure et surtout intérieure et tous ses embellissements maçonniques. Sans parler des œuvres d’art, tableaux et statues dont un certain nombre sont du plus haut prix, l’immeuble lui-même vaut à cette heure très facilement le double et peut-être même le triple de ce qu’il a coûté ; la bibliothèque, à elle seule, est assurée pour 110,000 dollars (soit 200,000 francs).

Le plan que je donne est d’une exactitude rigoureuse, au point de vue de la disposition et des proportions des divers temples, parvis, salles, galeries, cabinets et locaux essentiellement maçonniques ; mais, pour l’avoir d’une exactitude absolue dans sa totalité, il faut prolonger sur le côté une série de pièces réservées à l’administration, comme à la partie face ; c’est-à-dire que la partie de l’immeuble non affectée au culte maçonnique forme comme une équerre entourant le reste, sur les deux rues dont l’édifice forme l’angle.

Ce plan est celui qui avait été dressé par le docteur Gallatin Mackey, avant l’achat de l’immeuble. Lui ayant laissé comprendre que j’admirais ses ingénieuses dispositions, il me permit de le copier. Du reste, Albert Pike approuva ce plan, et l’architecte dut s’y conformer après la mort du docteur Mackey ; car le cher homme ne vit pas l’exécution du plan qu’il avait rêvé.