Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’entre pas dans ma pensée de m’étendre sur les procédés employés par les opérateurs plus ou moins grotesques qui se livrent à la pratique de ces fausses sciences. Il faut avoir le cerveau au moins un peu fêlé pour s’imaginer que l’avenir peut être lu dans du marc de café, dans l’incohérence des jets de flamme d’un brasier, dans l’ordre infiniment et hasardeusement variable des cartes tirées d’un jeu plus ou moins battu et mêlé, ainsi que dans la forme bizarre des nuages poussés par le vent. Les opérateurs, dont quelques-uns possèdent à fond les règles établies pour la pratique de ces absurdités, sont les premiers à ne pas croire à leur art ; et, quand ils captent la confiance des consulteurs, en leur débitant des particularités intimes dont ceux-ci sont vivement surpris, c’est le plus souvent grâce à la connivence d’un compère qui leur a fourni des renseignements ; c’est quelquefois, lorsque l’opérateur est un farceur habile ou une rouée coquine, le fait d’une intelligence supérieure qui trouverait mieux à être employée ailleurs, le fait d’une expérience spéciale acquise dans la fréquentation des éternels badauds, se laissant tirer les vers du nez, sans s’en douter le moins du monde.

Aussi, c’est à peine si j’effleurerai cette tourbe d’exploiteurs, fripons à divers degrés, et peu intéressants. Ces bagatelles de la porte, dédaignées du reste par les vrais occultistes, ont vraiment trop peu d’importance pour mériter un examen approfondi. Il est bien autrement utile de dévoiler les satanistes, ignorés de la foule, dont les sectes changent de noms suivant les pays, mais qui constituent en réalité une seule et même religion secrète et démoniaque, ayant ses fanatiques, se sacrifiant aveuglément, tant l’esprit du mal les domine, tant il s’est emparé de leurs âmes. Je montrerai cette étrangeté des rites lucifériens qui se ressemblent partout, se copient, dans les contrées les plus différentes de mœurs et de coutumes ; et cela à un tel point que, même ayant été prévenu par Carbuccia, j’ai été stupéfait, après avoir frémi d’horreur au spectacle de certaines pratiques aux Indes et en Chine, de les retrouver chez les théurgistes civilisés d’Amérique et d’Europe.

Dans la magie divinatoire, il n’est guère que l’astrologie à laquelle croient quelques-uns des vrais occultistes ; encore, ceux qui s’y livrent ne le font-ils qu’à titre individuel. Tel, le fameux Adriano Lemmi, grand-maître actuel de la franc-maçonnerie italienne, lequel est un cabaliste enragé, employant à des calculs horoscopiques le temps qu’il a de libre entre deux circulaires aux loges et arrière-loges contre la Papauté.

Ce que je divulguerai surtout dans cet ouvrage, ce sont les pratiques de la magie opératoire, de nos jours.

Et d’abord, il est nécessaire même de ne mentionner l’alchimie que pour annoncer au lecteur que ce qui concerne cet art mystérieux sera par