Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/395

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49. Salut, ô Satan, ô rébellion, ô force vengeresse de la raison !

50. Que montent sacrés vers toi notre encens et nos vœux ! Tu as vaincu le Jéhovah des prêtres !


J’avais écouté cette longue déclamation, sans interrompre la diseuse, la regardant, ma foi, fort interdit. La stupéfaction était le sentiment qui dominait chez moi ; je marchais vraiment de surprise en surprise. Je sentais en moi-même queMlle  Walder ne jouait pas pour moi une comédie ; au grade où j’étais parvenu, on peut tout entendre, et elle me savait hiérarque. J’étais donc abasourdi, en constatant les résultats d’une éducation satanique complète. Rien n’était plus étrange, — je dirai même : rien n’était plus sinistre, — que le fanatisme sauvage de cette jeune fille de dix-huit ans, me déclamant l’hymne infernal de Carducci[1], et appuyant avec exaltation sur le dernier distique : « Satan, tu as vaincu le Jéhovah des prêtres ! »

Nous continuâmes notre promenade. Maintenant, nous avions repris le chemin de Charleston, et Mlle  Walder faisait de plus belle les frais de la conversation. Dans ce tête-à-tête de deux heures avec la soi-disant bisaïeule de l’Ante-Christ, j’en ai plus appris que dans dix séances de triangle palladique. À onze heures, nous étions de retour en ville ; je raccompagnai Sophia jusqu’à la porte de Jonathan Chambers.

L’après-midi, Chambers, tenant sa promesse, vint me prendre chez le docteur Mackey, où je lui avais donné rendez-vous, et me fit visiter les curiosités du temple. Ces curiosités se trouvant réunies dans l’immeuble actuel, j’en ferai la description dans quelques instants, en parlant du nouveau local.

Gallatin Mackey me montra chez lui l’Arcula Mystica (le coffret mystique), dont il n’existe au monde que sept exemplaires : à Charleston, à Rome, à Berlin, à Washington, à Montevideo, à Naples et à Calcutta.

    49

    Salute, o Satana,
    O ribellione,
    O forza vindice
    De la ragione!

    50

    Sacri a te salgano
    Gl'incensi e i vóti!
    Hai vinto il Geova
    De i sacerdoti.

  1. En passant, je dois rectifier une erreur commise par deux fois au sujet de l’Hymne à Satan. La première fois, c’est M. Paul Rosen, qui, dans son volume l’Ennemie Sociale reproduit quinze lignes de l’hymne fameux et en attribue la paternité à un F∴ Enotrio Romano, personnage dont j’avoue n’avoir jamais entendu parler. La seconde fois, c’est Mgr Meurin, qui, dans son volume la Franc-Maçonnerie synagogue de Satan, reproduit quatre lignes seulement (strophes 5, 49 et 50) et les attribue à Adriano Lemmi. L’auteur de cette rapsodie sacrilège est bien, je le répète, Giosué Carducci, aujourd’hui sénateur, qui ne me démentira pas. J’ai tenu à donner (voir page 361) son portrait à 27 ans, c’est-à-dire à l’âge où il composa l’hymne satanique. Ce portrait aujourd’hui très rare, je l’ai eu entre les mains, revêtu de sa signature, avec dédicace à une personne que je ne dois pas nommer. Du reste, je parlerai plus longuement de Carducci dans mon chapitre sur la maçonnerie italienne.