Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/535

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On fait aussi des chérubs en bois, mais par séries spéciales ; en général, ces objets, lorsqu’ils sont en bois sculpté, comportent des hiéroglyphes en acier, vissés dans le socle.

Voici encore des Molochs, des Astaroths, des Mammons ; l’obscénité des derniers montre, sans qu’il soit besoin de les décrire, quelle bestialité humaine ils représentent.

Puis, ce sont des monstres, des bêtes, comme apocalyptiques, tous les hiéroglyphiques symboles, en un mot, de ce culte unicornu ou biscornu. Toute cette quincaillerie de carcasses ressemble à un ossuaire gigantesque d’animaux supernaturels, ankylosés ; c’est le tortu dans l’horrible, le malpropre dans le ridicule aussi.

Je passe devant des appliques de fer tordu (pas forgé), des candélabres, des tuyaux d’orgue, des copeaux de toute nature, que sais-je encore ? des reproductions bossuées de diables de moyen ordre, sires de peu d’importance, pauvres hères, mesquins légionnaires du plus bas de gré, sans doute, de la hiérarchie infernale, et dont le Palladisme a fait le menu fretin de ses esprits vénérés, des contrefaçons de saints pour les niches de ceux de ses temples montés à peu de frais pour des triangles borgnes. Quel musée ! quelle fabrique ! quelle usine, où tout se manipule par le feu, la fumée et comme un relent âcre et asphyxiant de carbone et d’acide sulfureux !

Évidemment, Lucifer est là, sinon en personne, du moins en esprit. Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’aller bien loin pour apercevoir une de ses images, celle qui est la plus répandue dans la haute maçonnerie. Là, à côté de ce fourneau, un peu caché par le soufflet énorme, dans une sorte de retrait, une manière de reposoir s’élève, formé de morceaux de bois différents, cloués et comme appareillés entre eux. Sur ce reposoir, j’aperçois la figure, la statue, que je connais si bien depuis longtemps : le Baphomet. Seulement, ici, elle est difficile à reconnaître sous l’épaisse couche de crasse et de suie qui la recouvre.

Exposée depuis de longues années aux éclats des escarbilles, à la fumée épaisse et charbonneuse du lieu, la tête, qui tient à la fois du taureau et du bouc, surtout du bouc, est crépie à la suie, d’un noir fangeux ; le mufle est flou, et l’œil apparaît veule et avachi. Quel démon marmiteux, quelle triste figure, mon prince ! et que vous ressemblez ainsi à un pauvre diable, non plus flamboyant, mais presque carbonisé !…

Et, pendant que j’y suis, après un coup d’œil jeté sur l’idole grimaçante et sale, je regarde les ouvriers dont je suis entouré.

Vraiment, si jusqu’à présent j’ai rencontré des déserteurs, des contrebandiers, des assassins, mais en définitive des faces humaines, ici, dès que mon attention se porte sur ces étranges travailleurs, je me sens frissonner.