Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/630

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Mais voilà que le grand-maître agitait de nouveau en l’air son épée, qu’il avait reprise dans sa main gauche, et des coups de fouet, secs et drus comme de petites décharges de capsules de fulminate, s’entendaient et traversaient l’air, pendant que d’une voix plus grave Justus Hoffmann récitait l’oraison suivante, bien connue, qui se trouve dans tous les grimoires. C’est ainsi que j’ai pu la reconstituer après coup :

« — Ô Lucifer, Dieu-Bon, toi que nous adorons, et dont nous célébrons maintenant et toujours les saints mystères, permets à quelques-uns de tes serviteurs, de tes esprits du feu, de se manifester à nous. Envoie-nous Adramelech, ton grand-chancelier et président de ton haut-conseil ; Nitika, qui apparaît si volontiers sous la forme d’une pierre précieuse animée ; Classyalabolas, qui sert de monture à Hébirôs, ton maréchal de camp ; Sabrus, qui soutient en l’air les extatiques ; puis, Agarès, le grand-duc de la légion orientale, Giwon, le puissant esprit cher aux Japonais, Asmodée, ton aimable surintendant des jeux, le docte Sustrugiel, Leviathan, Béhémoth, etc., etc. »

Alors, le président baissa la voix, chantonnant toute une série de noms d’esprit du feu ; et, pendant ce temps, les coups de fouet claquaient toujours à chaque nom prononcé de diable. Puis, ce furent d’horribles blasphèmes et des imprécations.

Cependant, Hoffmann s’était tu. Alors il me sembla que la salle se remplissait d’ombres vues, par transparence, noires sur le fond vert et rouge crus de la lueur qui nous éclairait, et des grondements sourds s’entendaient, tandis que les ombres se mouvaient silencieusement dans l’espace autour de nous.

Et à son tour, le médium luciférien, qui jusque-là n’avait pas bougé, s’élança au milieu de la salle ; il resta un instant debout, immobile, puis se mit à tourner lentement sur lui-même. Il était tout nu. Mais bientôt il s’arrêta de tourner et se mit à piétiner sur place avec rage, tout en sueur déjà ; et pendant ce temps, nous sentions, nous, les assistants, la chaleur monter aussi dans la salle, et des gouttes de sueur nous perlaient au front.

Le grand-maître s’était approché du médium, qui arrêta subitement ses évolutions, raide maintenant comme un pieu, comme une barre de fer.

— Es-tu prêt ? lui demanda Hoffmann.

L’autre baissa la tête en signe d’assentiment. Aussitôt, sur un geste du président, un guéridon et une chaise s’approchèrent tout seuls, venus on ne savait d’où. Le médium s’assit et mit une main sur le guéridon ; puis il la retira aussitôt. Le guéridon commença alors à répéter toutes les évolutions que le médium avait précédemment exécutées, puis s’ar-