Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/659

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l’hémianesthésie, c’est-à-dire l’abolition absolue, complète de la sensibilité dans une des moitiés du corps.

On peut, en effet, brûler, couper, déchirer, tenailler cette moitié sans que le malade sente la moindre des choses, pas le plus léger contact ou chatouillement ; mais, par contre, l’autre moitié du corps est absolument hypéresthésiée, c’est-à-dire que la sensibilité y est développée à un tel point, que le plus petit attouchement, le passage d’une simple et délicate barbe de plume sur l’épiderme détermine des douleurs atroces, déchirantes, qui font pousser des hurlements au malade. On dirait que la sensibilité entière la plus exquise du reste du corps insensible s’est réfugiée dans la moitié restée sensible en s’y est déversée brusquement.

Quelquefois, ce phénomène de l’hémianesthésie ne se produit pas chez l’hystérique dans sa totalité et du premier coup ; il y a d’abord des zones disséminées de perte de sensibilité sur le corps, des plaques d’anesthésie plus ou moins larges et plus ou moins confluentes, mais toujours d’un seul côté, bien entendu ; le phénomène si connu du doigt mort est, si l’on peut ainsi s’exprimer, l’embryon de la chose ; généralisez-la maintenant, et vous aurez l’hémianesthésie totale des hystériques, telle que je viens de vous le décrire.

Mais, et c’est ici ou j’appelle l’attention du lecteur, ce qu’il y a de remarquable, c’est que l’hémianesthésie occupe très exactement et très mathématiquement la moitié du corps et qu’elle ne déborde jamais ; elle suit une ligne géométriquement droite ; enfin, elle peut se transférer, c’est-à-dire changer de côté brusquement.

Je signale seulement ce fait pour l’instant, mais sans y insister ; nous le retrouverons à propos de l’hypnotisme, et nous le verrons être « la clef de l’envoûtement ».

J’en ai fini avec cette question de l’hystérie proprement dite, et j’ai cru devoir la traiter aussi complètement que possible, dans ses grandes lignes tout au moins ; je le répète, son importance est capitale pour qui veut maintenant, se reportant en arrière au début de mes révélations, se cendre un compte exact de ce que je lui ai dépeint des pourritures, des tortures, des scènes d’abiose, de fakirisme, où des femmes se brûlent par morceaux, où des hommes se laissent pourrir en détail, etc., etc. ; il fera la part de l’hystérie possible, et il verra que peut-être le démon, lorsqu’il s’en sert, aide ainsi parfois aux pratiques cruelles de son culte.

Mais ici encore le lecteur évitera de tomber dans l’erreur et de mettre tout sur le compte de l’hystérie. Qu’il réserve son jugement un instant ; car aussi bien, tout à l’heure, je lui donnerai, à propos de la possession, des moyens certains de faire la différence et d’établir nettement les limites.