Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/755

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Que conclure de ce récit ?… Est-il véridique ? ou appartient-il, au contraire, au domaine de la légende ?… Il s’agit là, je le répète, d’une histoire à laquelle grand nombre de marins français, excellents catholiques, croient.

En somme, tout esprit non prévenu n’y trouvera rien d’invraisemblable. Dans ce cas du capitaine Jean Jouin, l’obsession tenace, persistante, est caractéristique. L’homme, qui faisait le libre-penseur sceptique, qui posait pour l’incrédule absolu, avait, en réalité, des tendances à l’impiété fort prononcées ; ce qui est fréquent dans le monde des fanfarons de scepticisme. Des revers soudains viennent-ils à les accabler, ils s’adressent d’abord, quelquefois, à Dieu, mais sans conviction, et ne tardent pas à recourir au diable, pour qui ils sont mûrs.

Toutefois, cet épisode, bien que n’ayant (il me semble) rien de contraire à ce qui est admis par l’Église, ne repose que sur une sorte de tradition, transmise de l’un à l’autre par nos vieux loups de mer, et qui n’a, que je sache, reçu la consécration d’aucun théologien. À son égard, nous devons donc être très circonspects. Le lecteur comprend à merveille, du reste, que je n’ai nullement la prétention de lui imposer la moindre croyance à des faits, sur lesquels Rome, c’est-à-dire la suprême autorité compétente, ne s’est pas prononcée.

Je raconte ce que j’ai vu, j’y ajoute ce qui m’a été dit par des personnes n’ayant aucun intérêt à me tromper. En un mot, je catalogue et classe ce que j’ai recueilli. Il est impossible que je ne rencontre pas des incrédules. Néanmoins, j’estime que, dès l’instant qu’un fait cité de bonne foi n’est pas en contradiction avec ce que l’Église enseigne, il est téméraire de le nier uniquement par l’effet d’un parti pris. Qu’on le déclare sujet à réserve, je l’admets et ne m’en offense pas : mais la réserve doit être impartiale.

Nier des faits surnaturels, par la seule raison qu’on n’a pas été soi-même témoin, est peu digne d’un catholique. C’est, en outre, s’exposer à recevoir plus tard un démenti par les événements, si de nouveaux témoignages, qui n’avaient pas osé d’abord se produire, viennent un jour s’ajouter au premier.

Ainsi, sur la question des choses que j’ai constatées dans les arrière-loges et les triangles palladiques, il est évident que chacun a le droit de réserver son jugement définitif ; mais il est évident aussi, — et je préviens expressément les incrédules à ce sujet, — que le doute, par défaut de constatation personnelle, n’autorise pas la négation, surtout lorsqu’on n’oppose point au narrateur un contre-témoignage émanant d’un catholique.

Si à un chrétien qui a exposé sa vie pour surprendre les secrets des