Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/865

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Afin de prévenir le mauvais effet des rapports de ses ennemis à Laubardemont, Urbain Grandier alla le voir chez lui aussitôt après son arrivée, espérant l’abuser par ses belles phrases.

« Le curé, sachant son arrivée, continue le père Surin, vint lui rendre ses civilités ; mais M. l’Intendant ne l’eut pas plutôt vu, qu’il eut une impression dans l’âme que cet homme était un criminel que Dieu lui envoyait à ses pieds ; ce qui l’obligea de le faire prendre et conduire au château d’Angers, parce qu’il n’y avait pas de prison assez forte à Loudun pour un tel criminel. Mais comme les démons disaient tous les jours de nouvelles choses sur lesquelles il était nécessaire de confronter et d’examiner Grandier, M. de Laubardemont fit construire une forte prison à Loudun, où le coupable fut transporté. »

Vers le milieu de l’été de 1633, les manifestations démoniaques avaient soudainement reparu, non seulement dans le couvent des Ursulines où cinq nouvelles religieuses se trouvaient possédées, mais encore dans la ville de Loudun, où un certain nombre de filles étaient tourmentées par la possession, l’obsession, ou les maléfices. La contagion s’était étendue jusqu’à Chinon, où Barré était retourné après l’apaisement qui avait suivi à Loudun l’intervention de Mgr de Sourdis. Barré eut l’honneur d’exorciser deux de ces infortunées victimes de Satan, en présence de Laubardemont, le jour où celui-ci passait à Chinon, pour aller à Paris chercher les pleins pouvoirs qui lui étaient nécessaires afin d’agir énergiquement en cette affaire. Il put à Chinon prendre connaissance des procès-verbaux d’exorcisme, minutieusement rédigés par Barré, et se présenter devant Richelieu, muni de tous les renseignements.

On a essayé de faire accroire que Richelieu était au fond un sceptique et considérait les cas de possession en général, et particulièrement ceux de Loudun, comme des faits auxquels le surnaturel était totalement étranger. Pour calomnier ainsi le grand cardinal, de prétendus érudits ont analysé, avec une minutie qui n’est que grotesque, des lettres écrites par lui à Gaston d’Orléans, et se sont efforcés de prouver qu’elles étaient ironiques en ce qui concerne les faits et gestes des démons ; des phrases tronquées, séparées du reste des lettres, ont été reproduites perfidement, tandis que, lorsqu’on lit en entier ces lettres, on voit que leur style est tout simplement enjoué. D’autre part, des écrivains, portés à l’exagération, et tombant dans l’excès contraire, ont osé insinuer que le cardinal était un adepte de l’occultisme et qu’il s’occupait d’astrologie, de magie et de pierre philosophale. Pour avoir la vérité, il faut se reporter à ce que Richelieu a écrit ; son beau livre l’Instruction du chrétien montre que l’homme d’État était aussi un ferme croyant, un des plus dignes prêtres de l’Église catholique. Dans cet ouvrage, publié