Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/866

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en 1618, alors qu’il n’était encore qu’évêque de Luçon, et qu’il fit réimprimer en 1626, Richelieu s’occupe, en théologien éclairé, de cette grave question du surnaturel diabolique, et même il a soin d’établir une distinction fort claire et tout à fait orthodoxe entre la sorcellerie et la magie :

» La magie, dit-il, est un art de produire des effets par la puissance du diable ; la sorcellerie, ou maléficerie, est un art de nuire aux hommes par la puissance du diable. Il y a cette différence entre la magie et la sorcellerie : que la magie a pour fin principale l’ostentation, et la sorcellerie la nuisance. »

D’autre part, le père Tranquille, religieux capucin, un des principaux exorcistes des possédées de Loudun, affirme dans sa Relation que « c’est Monseigneur l’Éminentissime Cardinal, la première intelligence de l’État, qui croit la possession, et non seulement il la croit, mais après Sa Majesté on doit à son zèle l’entreprise de cette affaire, comme le témoignent assez les lettres qu’il en a escrites à M. de Laubardemont… Celui-ci a eu cette prudence que jamais il n’a fait aucune procédure pour la preuve dépossession et pour l’instruction du procès, qu’il n’en ait pleinement informé Sa Majesté et, Monseigneur le Cardinal, jusques aux exorcismes de chaque jour, auxquels il a toujours assisté, et qu’il a recueillis de sa main avec une patience et persévérance non pareilles[1]. »

Le 6 décembre 1633, Laubardemont revenait à Loudun, porteur d’une commission rédigée en plein conseil royal par le chancelier Séguier, et ainsi conçue :

« M. de Laubardemont, conseiller du roy en ses conseils d’État et privé, se rendra à Loudun et autres lieux que besoin sera, pour, y estant, informer diligemment contre ledit Grandier sur tous les faits dont il a été ci-devant accusé, et autres qui lui seront de nouveau mis sus, même touchant la possession des religieuses Ursulines dudit Loudun, et autres personnes qu’on dit aussi être possédées et tourmentées des démons par le maléfice dudit Grandier : informer de tout ce qui s’est passé dès le commencement tant aux exorcismes qu’autrement sur le fait de ladite possession ; faire rapporter les procès-verbaux et autres actes des commissaires à ces délégués ; assister aux exorcismes qui se feront, et du tout faire procès-verbaux ; et autrement, procéder comme il appartiendra pour la preuve et vérification entière desdits faits ; et sur le tout décréter, instruire, faire et parfaire le procès au dit Grandier et

  1. Véritable relation des justes procédures observées au fait de la possession des Ursulines de Loudun et au procès de Grandier, par le R. P. Tr. R. C. Paris, 1634.