Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/881

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fumé, qu’il sentit pendant trois jours ; et je faisais couler dans son cœur le poison du péché. Au bout de trois jours, je le visitai sous la forme d’une femme, et il succomba à la tentation. Mais aussitôt il se releva, et faisant une fosse, il s’y enterra jusqu’au col, ne se laissant que la tête pour regarder le ciel… Allumette, démon qui possède la sœur Élisabeth, attrapa aussi Martinien par une courtisane que nous lui envoyâmes. »

« — Comment, lui dis-je, continue le père Surin, le coup contre saint Macaire te mit-il en si grand crédit auprès de Lucifer, puisque tu ne l’as pas perdu ? »

« — Je fis voir, répondit-il, ce que je savais faire. »

« Après avoir dit ces paroles, il entra dans une grande rage, hurlant et faisant des efforts pour me frapper, parce que je le contraignais à. parler en faveur des hommes. Sa fureur redoublant il me disait : « Je te veux manger » ; et ensuite, se tournant vers ceux qui étaient à l’exorcisme : « Je veux vous manger tous, leur disait-il ; je veux manger toutes les créatures, anéantir toutes les œuvres de Dieu, et puis m’anéantir moi-même… Que je suis fou de m’être embarqué en ce corps mortel ! car j’ai été bien trompé. Je pensais faire de cette fille une sorcière, et je suis contraint d’en faire une sainte, et de servir aux desseins de Dieu pour le salut des hommes ! »

Un autre jour, c’est Léviathan qui déplore le mauvais succès de la possession :

« — Je suis bien malheureux, disait-il, d’être venu ici faire la religieuse ; car, pendant que cette âme s’applique aux saints exercices de la contemplation, il faut que je sois dans un coin de sa tête sans oser remuer. Outre cela, il faut jeûner, porter la haire, sans que je puisse rien empêcher… Il y a longtemps que je ne serais plus ici, si Dieu ne me retenait par force. Je me suis de tout temps mêlé de posséder des corps ; mais je ne m’y suis jamais tant ennuyé qu’en celui-ci… Il y a trois mois que nous avons fait, avec les magiciens, vingt maléfices pour empêcher cette âme d’avancer ; mais on ne nous a permis d’en achever aucun. »

Le père Surin s’étend avec de grands détails sur la nature et le caractère de divers démons auxquels il a eu affaire : Leviathan, Balam et Béhémoth.

« Béhémoth surtout est un démon d’une dureté inflexible. C’est de lui que parle Job, lorsqu’il dit : « Son cœur est dur comme la pierre et le fer. » Il le compare encore à l’éléphant, et Léviathan à la baleine. « Ce Léviathan était le chef de toute la troupe, et j’avais affaire à ces deux terribles bêtes. Pour revenir à Béhémoth, j’ai traité avec lui trois ans entiers ; c’est pourquoi je puis bien confirmer ce que dit Job… Isacaron, qui est un démon d’impureté, semblait être plus facile ; car, quand je