Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/930

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banabacks, ces manœuvres subites et extraordinaires, dont les plus vieux loups de mer sont déconcertés, renversés, chaque fois qu’elles se produisent, c’est exactement comme si l’on soutenait que des casseroles, qui se mettent tout à coup à tourner autour de leurs clous, dans la cuisine d’une maison hantée, agissent en vertu d’un mouvement naturel. Il faut ne croire à rien pour émettre de semblables raisonnements. Le juchement de l’enfant du premier âge sur une corniche inaccessible ou dans la mature est du diabolisme pur, et il est impossible d’expliquer autrement ce fait dûment constaté par des centaines de témoins.

Seulement, il se produit ceci : inattentif et superficiel, on passe outre, sans réfléchir ; mère de famille, on est secouée de peur, mais fière, car on attribue le fait à une précocité virile de l’enfant ; médecin et catholique, on examine, on songe, et l’on conclut d’accord avec l’enseignement de l’Église ; banaback ou jézide, on sait, mais on se tait…

Ce déplacement, au-dessus des forces naturelles de l’enfant, est, disons-le bien, un des tours familiers du diable, le premier pas, le premier degré du soulèvement et de la tenue dans l’espace, ainsi qu’il arrive aux Simon de Gitta, aux fakirs lucifériens, aux Ingersoll du palladisme, exercice effectué contre les lois de la pesanteur. C’est l’esquisse de la fluidification du possédé à l’état latent, en qui le démon et la créature humaine semblent presque se confondre ; c’est la préparation, pour ainsi dire, aux grandes œuvres de Satan, dont je parlerai tout particulièrement dans le chapitre qui sera consacré aux mystères diaboliques des triangles.

Dirai-je, maintenant, un mot relativement à certains cas de disparition ? Oui, mais un mot très rapide. Il faut en finir avec ce qui concerne l’enfant.

Grand nombre de mes lecteurs ont certainement entendu parler d’enfants qui disparaissent, un temps plus ou moins long, du domicile de leurs parents, et que l’on retrouve après, calmes, tranquilles, et comme s’ils n’avaient jamais quitté leurs jeux. Le hasard les fait retrouver là, n’importe où. Qui les a nourris pendant ce temps ? d’où viennent-ils ? qu’ont-ils fait ? Rien, personne, ils ne savent pas, ils ne se rendent pas bien compte des pourquoi et des comment. Ils se rappellent à merveille s’être amusés, avoir ri, avoir mangé, avoir dormi. Mais où ? de quelle façon ? avec qui ? chez qui ? Sur tous ces points précis, il y a une lacune dans leur souvenir.

Ces faits se renouvellent assez fréquemment dans les campagnes, et les paysans ne s’en préoccupent pas outre mesure. Dans le midi notamment, vous les entendez dire comme par plaisanterie ; lorsque leur enfant disparaît ainsi pendant quelques jours : « A esta oou diablé, revendra ; il a été au diable, il reviendra ». Et ils font, en manière d’exorcisme, un