Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/944

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mières, arrière la superstition religieuse et place à la science humaine, la seule infaillible ! »

Après cette pétarade, les reporters des divers journaux parisiens se mirent en mouvement, et Juliette Lamber, ayant déchaîné la presse sceptique et gouailleuse, put se frotter joyeusement les mains. L’ex-grande maitresse de la Clémente-Amitié, elle qui a su obtenir un jour du diable la somme rondelette de cent mille francs, faisait nier publiquement le diable, c’était là un tour assez bien réussi.

Quels étaient donc les faits dont il s’agissait ? Que s’était-il passé au juste ?

Je me bornerai à résumer ici ce qui a été publié, à cette époque si récente, par les journaux d’informations, qui ont fait campagne pour ou contre.

La possédée en question est une jeune fille, nommée Blanche Guyon ; elle habite, avec ses parents, le hameau de Chateaufort, situé à cinq kilomètres de Gif. « C’est, dit l’Éclair, une fille de dix-huit ans, de taille moyenne, bien faite, les dents jolies et d’une délicate blancheur. Son maintien est modeste. Elle travaillait encore l’année dernière à la chiffonnerie de Courcelles ; elle rentrait chez ses parents, le soir, en traversant la plaine. » Ce détail a fait dire, mais à tort, qu’elle fut accostée, un soir, par un berger boiteux, lequel lui aurait jeté un sort. On a fait remarquer aussi, et ceci est vrai, qu’avant la possession de Blanche, ses parents ne fréquentaient pas l’église et se targuaient plutôt d’une certaine incrédulité. Aussi, quand la jeune fille fut prise, ils crurent à une maladie naturelle et appelèrent, non le prêtre, mais les médecins. Tout ce que ceux-ci ordonnaient à Blanche n’amenait aucune amélioration dans son état.

Blanche souffrait ; elle ne marchait plus, ne mangeait ni ne buvait, passait des nuits atroces. Pendant dix mois, de février à novembre 1892, ‘ les médecins furent seuls admis à la soigner. Enfin, elle et ses parents eurent une bonne inspiration : ils demandèrent les secours de l’Église, et le curé de Gif ne tarda pas à reconnaître qu’il était en présence d’un cas de possession bien caractérisée.

L’autorisation nécessaire fut demandée à Mgr Goux, évêque de Versailles, qui donna à M. l’abbé Périer pouvoir d’exorciser, avec assistance de M. le chanoine Perdereau, supérieur du grand séminaire du diocèse. Au nombre des exorcistes, les journaux ont cité également M. l’abbé Cordonnier, vicaire de Sainte-Clotilde, à Paris, et M. le curé d’Orsay, paroisse voisine de Gif ; mais ceux-ci n’ont dû, évidemment, se trouver mêlés aux exorcismes qu’à titre auxiliaire.

C’est le 95 novembre 1892, d’après les divers récits publiés, que