Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/213

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Jusqu’au moment de mon départ, nous flânâmes ensemble aux environs du couvent, et trompâmes ainsi la longueur d’une chaude journée. Il ne me quittait pas d’un pas : attachement ou crainte de la solitude ? Dieu le sait !… Un moment, je me souviens, nous étions assis sous de petits acacias à fleurs jaunes, dans un des jardinets disposés çà et là sur la hauteur.

– Dans deux semaines, dit-il, je partirai d’ici. Il est temps.

– Vous vous en irez à pied ?

– D’ici, j’irai à pied jusqu’à Slaviansk, puis je prendrai le chemin de fer jusqu’à Nikîtovka. À Nikîtovka s’embranche la ligne de Donéts. J’irai à pied par cet embranchement jusqu’à Khatsépétôvka. Là, un chef de train que je connais me fera aller plus loin.

Je me rappelai la steppe déserte et nue qu’il y a entre Nikîtovka et Khatsépétôvka et je me représentai mon Alexandre Ivânytch la traversant avec ses doutes, sa nostalgie et sa peur de la solitude… Il lut de l’ennui sur mon visage et il soupira.

– Oui, ma sœur a dû se marier ! songea-t-il à haute voix. Et, soudain, voulant chasser des idées importunes, il me montra la cime d’un rocher.

– De cette hauteur-là, me dit-il, on voit Izioum.

En montant sur le rocher, il lui arriva de trébucher,