Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/221

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vous ne devriez pas oublier Dieu et la religion. Arius, comme vous, s’était fait une haute opinion de lui-même, et il est mort d’une mort ignominieuse. Vous en mourrez aussi.

– Eh bien, j’en mourrai ! J’aime mieux mourir que de faire des sarraus !

Dehors, on entendit soudain une voix de femme :

– Mon anathème est ici ? demanda-t-elle.

Et la femme du tailleur, Akssînia, femme âgée, les manches retroussées et le ventre bridé dans sa jupe, entra dans le cabaret.

– Où est-il, l’idole ? demanda-t-elle, examinant d’un air malveillant les consommateurs. Va chez nous, dit-elle à son mari. Que le diable te crève ! Un officier te demande.

– Quel officier ? demanda Merkoûlov, écarquillant les yeux.

– Le diable le sait ! Il dit qu’il vient pour une commande.

Merkoûlov de ses cinq doigts se gratta le nez, ce qui était signe chez lui d’une extrême surprise, et bredouilla :

– Ma femme a la berlue… Il y a quinze ans qu’on n’a pas vu une figure honnête, et tout à coup, à présent, un jour maigre, un officier, avec une commande ! Hum ?… Allons voir.

Il sortit du cabaret en titubant, et se rendit chez lui.