Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/90

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même résultat, à ma perte. Je me perds et j’ai le courage de m’en rendre compte.

– Mon petit pigeon, vous guérirez.

– Pourquoi dire cela ? fit André Efîmytch agacé. Il y a peu d’hommes qui n’éprouvent pas vers la fin de leur vie ce que j’éprouve maintenant. Qu’on vous dise que vous avez quelque chose comme les reins en mauvais état ou une hypertrophie du cœur, et que vous commenciez à vous soigner, ou qu’on vous dise que vous êtes un criminel ou un fou, c’est, à parler net, que vos semblables ont soudain reporté leur attention sur vous ; dites-vous bien que vous êtes tombé dans un cercle fatal dont vous ne sortirez plus. Plus vous essaierez d’en sortir, plus vous vous perdrez ! Résignez-vous, car aucune puissance humaine ne peut plus vous sauver. Voilà ce qui m’en semble.

Le public pendant ce temps-là s’amassait derrière le guichet. André Efîmytch, pour ne pas déranger le maître de poste, se leva et commença à prendre congé de lui. Michel Avériânytch, une fois de plus, lui fit donner sa parole de faire ce qu’il avait promis, et le raccompagna jusqu’à la porte de la rue.

Le soir même, à l’improviste, Khôbotov, avec sa demi-pelisse et ses hautes bottes, apparut chez André Efîmytch, et lui dit, comme si rien ne s’était passé le jour précédent :

– Confrère, je viens vous trouver pour affaire.