Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/452

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Maintenant venons au sens lui-même. « Vous m’avez tiré du sein, » dit-il. Qu’est-ce que l’on tire, sinon ce qui est attaché ? Ce qui est uni, étroitement enchaîné à une autre chose, on l’en tire pour l’en séparer. Si le Christ n’a pas été attaché au sein de sa mère, comment en a-t-il été, tiré ? Si celui qui en a été tiré y était attaché, comment y a-t-il pu être attaché autrement que par ce cordon ombilical qui lui transmettait la vie, pendant qu’il était enchaîné au sein maternel, son principe ? Lors même qu’il arrive à une matière étrangère de s’amalgamer avec une autre, elles se confondent dans une liaison si étroite, et si indissoluble, que si on arrache l’une ou l’autre, elle emporte avec elle quelque chose du corps dont on la sépare, gardant ainsi un témoignage d’unité rompue entre deux corps confondus ensemble.

D’ailleurs quelles sont ces mamelles de sa mère, ainsi qu’il s’exprime ? Celles dont il a sucé le lait, sans doute. Que les sages-femmes, les médecins et les physiciens nous disent si les mamelles ont coutume de couler, sans que la femme ait conçu ou enfanté, les veines retenant alors le, tribut du sang inférieur, et le convertissant par une heureuse élaboration, en la matière plus douce du lait maternel. De là vient que, dans la période de l’allaitement, le cours naturel du sang est suspendu. Que si le Verbe a été fait chair de lui-même sans aucune participation du sein maternel, sans lui rien fournir, sans fonction, sans action sur lui, comment versa-t-il dans les mamelles la source du lait, où il n’opère point de changement s’il n’en a les moyens ? Or, il n’a pu transformer le sang en lait sans avoir les causes du sang lui-même, c’est-à-dire la séparation de sa propre chair[1]. Maintenant, qu’y avait-il de nouveau à ce que Jésus-Christ naquît d’une Vierge ? On. le voit manifestement. La nouveauté consiste uniquement en ce qu’il est né d’une vierge, suivant les raisons que nous

  1. Christi caro, dit saint Augustin, Mariæ cetro, una erat.