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TERTULLIEN.

J'ai fait serment de mourir sous ses drapeaux. Ses ennemis me défient au combat. Leur donner la main, ce serait me montrer aussi lâche qu’eux. Non, je garderai ma foi sur le champ de bataille ; blessé, percé, immolé, que m’importe ? Qui a voulu le trépas de son défenseur, sinon celui qui l’a marqué d’avance pour cet héroïque dévouement ?

V. La volonté de mon Dieu, tu la connais. Nous avons repoussé l’attaque : considérons maintenant, pour frapper d’autres coups, quelle est la nature de cette volonté. Il serait trop long de prouver que mon Dieu est bon ; nous l’avons déjà démontré aux Marcionites. Au reste, il suffit de nommer Dieu, pour que l’on croie nécessairement qu’il est bon. Supposez un Dieu mauvais, point d’alternative possible. Ou il vous faudra nier l’existence de ce Dieu mauvais, ou il faudra que vous accordiez la bonté à qui vous accordez la divinité. Donc elle sera bonne la volonté de ce Dieu qui ne peut être Dieu sans être bon. La bonté de l’institution que Dieu a voulue, en est une nouvelle preuve ; il s’agit du martyre. Une chose bonne ne peut émaner que d’un être bon. J’affirme que le martyre est bon devant ce même Dieu qui défend et châtie l’idolâtrie. Car l’antagoniste de l’idolâtrie est le martyre. Or, qui peut lutter contre le mal, sinon le bien ? Est-ce à dire que nous prétendions nier les oppositions mutuelles des biens et des maux ? Nullement. Mais autre est l’essence du martyre : il combat l’idolâtrie non pas avec les armes communes, mais par une grâce surnaturelle et spéciale, puisqu’il nous délivre de l’idolâtrie. Qui hésiterait à reconnaître comme un bien ce qui nous affranchit du mal ? Qu’est-ce après tout que l’aversion de l’idolâtrie et du martyre, sinon la haine de la mort et de la vie ? La vie est dans le martyre autant que la mort dans l’idolâtrie. Vous appelez la vie un mal ; donc il faut que vous appeliez la mort un bien. Mais quel travers dans la plupart des hommes ! On rejette ce qui sauve, on embrasse ce qui perd ; on court tête baissée