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Page:The universal anthology - vol. 19, 1899.djvu/23

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c’est à peine s’ils s’en fussent eux-mêmes aperçus. Mais les Méditations de Lamartine, les Poèmes de Vigny, les Orientales d’Hugo ne sont au contraire, à proprement parler, que le journal poétique de leurs impressions quotidiennes. En compagnie d’une maîtresse aimée, l’Elvire des Méditations, Lamartine fait une promenade sur le lac du Bourget, et il écrit Le Lac, ou bien, il va passer chez un ami le temps de la Semaine Sainte, et il écrit la Semaine Sainte à la Roche Guyon, Vigny a lu dans le Journal des Débats, du 15 juillet 1822, quelques lignes qui l’ont intéressé, et le prétexte lui suffit pour écrire le Trappiste. Et quant à Victor Hugo, les titres seuls de quelques-unes de ses Orientales : Canaris, Les Têtes du Sérail, Navarin, suffisent pour en montrer l’étroite relation avec ce que nous appelons de nos jours l’actualité. Sans doute, il y a encore ici des distinctions à faire : Vigny, des trois, est déjà le plus objectif, on serait tente de dire la plus épique, dans son Eloa, par exemple, ou dans son Moise. Victor Hugo s’oublie souvent lui-même en présence de la réalise ; il décrit déjà pour décrire ; il s’abandonne, dans Le Feu du Ciel, dans les Djinns, dans Mazeppa, non seulement à ses instincts de peintre, mais à la fécondité d’une invention verbale qui trahit déjà le rhéteur. Lamartine lui-même, qui est le plus subjectif, à des dissertations, comme dans L’Immortalité, par exemple, et des paraphrases, comme dans son Chant d’Amour, qui débordent le cadre étroit du lyrisme personnel. Mais quoi qu’on puisse dire, c’est pourtant d’eux-mêmes, de leurs émotions ou de leurs souvenirs, qu’ils s’inspirent. L’occasion les guide. Que ce soit Bonaparte qui meure à Sainte-Hélène, en 1821, ou Charles X que l’on couronne à Reims, en 1825, ils nous font confidence de leurs impressions. Ce n’est point la beauté propre et intrinsèque des sujets qui les provoque à chanter, mais la convenance de ces sujets avec la nature de leur génie. Ou mieux encore, leurs sujets leur sont un prétexte pour se confesser, pour nous confier sur toutes choses, leur manière, à eux, de penser ou de sentir ; et, précisément, c’est ce que l’on vent dire quand on dit que, par opposition à la poésie classique, un second caractère de la poésie romantique est d’être éminemment personnelle ou individuelle.

Un troisième et dernier caractère en résulte, qui est son caractère de Liberté ou de Nouveauté. «