Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/305

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Décidé à suivre cet avis, Sun-Kuen renvoya immédiatement (vers Youen-Chao) l’émissaire Tchin-Tchen[1] avec une réponse. Or, Tsao-Tsao, instruit de la mort de Sun-Tsé, se disposait à envahir les provinces soumises par le jeune conquérant. L’envoyé de celui-ci, Tchang-Hong l’en détourna  : « Profiter de ce qu’un homme est dans le deuil pour fondre sur lui, disait-il[2], ce n’est point la suivre les préceptes de justice légués par les anciens. En pareil cas, si on échoue dans son entreprise, on n’a fait que troubler l’harmonie pour se créer une inimitié terrible. Le mieux est donc d’attendre et de bien traiter le successeur de Sun-Tsé ! » Tsao suivit ce conseil ; il se hâta de nommer Sun-Kuen général et gouverneur de Hoay-Ky ; puis accordant à ce mandarin (Tchang-Hong) le grade de gouverneur civil du même district, il l’envoya porter au jeune prince le sceau de sa nouvelle dignité.

Heureux de voir Tchang-Hong revenu, Sun-Kuen le chargea, ainsi que Tchang-Tchao, de reprendre la direction des affaires. Le premier de ces deux mandarins recommanda Kou-Yong (son surnom Youen-Tan), natif du pays de Ou, ancien magistrat de Hou-Fey, qui résidait alors à Chang-Yu ; il était disciple de Tsay-Pé-Kiay, officier supérieur à la cour des Han, parlait peu, buvait moins encore et se faisait remarquer par la droiture de son âme autant que par l’aspect imposant de sa personne. Sun-Kuen fit de lui l’un de ses ministres, et le gouverneur de ses provinces. Ainsi s’accroissait sa puissance sur la rive orientale de Kiang : il avait tout à fait conquis l’affection du peuple.

  1. Voir plus haut, pages 263 et 269.
  2. A l’article premier de l’art militaire de Ssé-Ma, intitulé De l’humanité, il est dit qu’on ne doit point attaquer l’ennemi pendant le temps du grand deuil. Le traducteur ajoute en note : Par le grand deuil on entend ici les trois années pendant lesquelles toutes les affaires sont interdites à celui auquel la mort a enlevé son père ou sa mère. Comme ce terme est un peu long, on l’a restreint à cent jours sous la dynastie présente (celle des Tartares-Mandchou). Ainsi, si le roi de l’un des deux partis se trouve dans les circonstances du grand deuil, ce serait, suivant la doctrine chinoise, une très grande indécence que de lui faire la guerre. Mémoires sur les Chinois, volume VII, page 232.