Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/81

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— Filons ! dit-il en entraînant son captif.

— Norine, père Vincart, adieu ! articula enfin Bigarreau d’une voix étranglée : je ne vous oublierai jamais !

L’escorte et le détenu s’éloignèrent rapidement par la route forestière, mais Norine s’acharnait à les suivre, et les deux gendarmes avaient fort à faire de la maintenir à distance. Elle les suppliait en vain de lui laisser embrasser son ami une dernière fois. Quand elle vit qu’ils restaient insensibles, elle devint sauvage.

— Vous êtes des sans-cœur ! s’exclama-t-elle, vous n’avez pas honte de vous mettre trois pour torturer un pauvre gachenet !… Mais je ne vous laisserai pas tranquilles, j’irai réclamer près du préfet, près de l’empereur !… Claude est à nous, je le veux, je le veux !… Rendez-le-moi !

Déchevelée, les yeux étincelants, elle emplissait la forêt de ses lamentations. Elle les suivit ainsi jusqu’à la lisière du bois ; là, épuisée, enrouée à force de crier, elle se laissa tomber sur le bord du chemin.

— Norine ! murmura Bigarreau, tandis que