Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/164

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telles choses, lesquelles autrement à grand peine en toute nostre vie eussions peu si biê comprendre, tant s’en faut que les eussions peu executer. Opiniôs de plusieurs philosophes si tout le mode est habitable. Thales, Pythagoras, Aristote, et plusieurs autres tant Grecs que Latins, ont dit, qu’il n’estoit possible toutes les parties du monde estre habitées[1] : l’une pour la trop grande et insupportable chaleur, les autres pour la grande et vehemente froidure. Les autres Autheurs diuisans le monde en deux parties, appellées Hemispheres, l’une desquelles disent ne pouuoir aucunement estre habitée : mais l’autre en laquelle nous

  1. Sur l’inhabitabilité des zones, autres que la zône tempérée, les cosmographes de l’antiquité furent à peu près unanimes. Voir Pline. H. N. i. 61. — n. 68. — vi. 36. — Hygin. i. 8. — Macrobe. ii. 5. — Ptolémée. vi. 16. C’est surtout au moyen-âge que s’accrédita cette singulière erreur. Cf. Lactance. Instit. Div. iii. 24. — St-Augustin. Cité de Dieu. xvi. 9. — St-Basile. Ad Psal. xlvii. 2. P. 201. — St-Grégoire de Nazianze, St-Ambroise, St-Jean Chrysostome, St-Césaire, Procope de Gaza et Diodore De Tarse, cités par Letronne. Opinions cosmographiques des pères de l’Eglise. (Revue des deux Mondes. 1834.) La zône torride surtout semblait inhabitable. Dès le Ve siècle, Orose, Philostorge et Moïse de Khoren, au VIe le grammairien Jean Philoponus, et, dans les siècles suivants, Grégoire de Tours, Bêde Le Vénérable, Honoré d’Autun, l’abbesse Herrade de Landsberg affirmaient que les chaleurs excessives de cette partie de l’univers interdisaient à l’homme d’y séjourner. Au XIIIe siècle, Nicéphore Blemmydas et les représentants les plus autorisés de la science, Vincent De Beauvais lui-même ; au XIVe, Brunetto Latini, Dante, Oresme, Mandeville et Boccace, renouvelaient encore ces vieilles théories. Voir Santarem. Cosmographie et cartographie du moyen-âge. i. 310.