Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/173

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se iettant haut en l'air pour le prendre : et si l'une le faut, l'autre le recouure.

Ce poisson suyuit nos nauires, sans iamais les abandonner, l'espace de plus de six sepmaines nuit et iour, voire iusques à tant qu'elle trouua la mer à dégoust. Dorade, poisson en grande recommandation du têps des Anciens. Ie sçay que ce poisson a esté fort celebré et recommendable le temps passé entre les nobles, pour auoir la chair fort delicate et plaisant à manger : comme nous lisons que Sergius[1] trouua moyen d'en faire porter une iusques à Rome, qui fut seruie en un banquet de l'Empereur, où elle fut merueilleusement estimée. Et de ce temps commença la Dorade à estre tant estimée entre les Romains, qu'il ne se faisoit banquet sumptueux où il n'en fust seruy par une singularité.

Et pour ce qu'il n'estoit aisé d'en recouurer en esté, Sergius senateur s'aduisa d'en faire peupler des viuiers à fin que ce poisson ne leur defaillist en saison quelconque : lequel pour ceste curiosité auroit esté nommé Aurata, ainsi que A. Licin Murena, pour auoir trop songneusemêt nourri ce poisson que nous appellons Murena. Entre les Dorades ont esté plus estimées celles qui apportées de Tarente estoient engressées au lac Lucrin, comme mesme nous tesmoigne Martial[2], au troisiesme liure de ses Epigràmes. Ce poisson est beaucoup plus sauoureux en hiuer qu'en esté : car toutes choses ont leur saison. Corneille

  1. Pline. H. N. ix. 79.
  2. Martial. xiii. 90 : « Non omnis laudem pretiumque aurata meretur : — Sed cui solus erit concha Lucrina cibus. »