Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/481

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lans : car la force et faculté de toutes les parties du corps dépend de ceste naturelle chaleur[1]. Mer glaciale. La mer alentour de ce païs est donc glacée tirant au Nort, et ce pour estre trop elongnée du Soleil lequel d’Orient en Occident passe par le milieu de l’uniuers, obliquement toutefois. Et de tant plus que la chaleur naturelle est grande, d’autant mieux se fait la concoction et digestion des viandes dans l’estomac : l’appetit aussi en est plus grand. Ainsi ce peuple de septentrion mange beaucoup plus que ceux de la part opposite : Famine frequête en Canada, et pourquoy. qui est cause que bien souuent en ce Canada y a famine, ioint que leurs racines et autres fruits desquels se doiuent sustenter et nourrir toute l’année, sont gelez, leurs riuieres pareillement, l’espace de trois ou quatre moys. Nous auons dit qu’ils couurent leurs maisons d’ecorces de bois, aussi en font-ils barques, pour pescher en eau douce et salée. Pais de Labrador decouuert par les Espagnols. Ceux du païs de Labrador, leurs voisins[2] (qui furent decouuers par les Espagnols, pensans de ce costé trouuer un destroit pour aller aux isles des Moluques,

  1. Ces remarques sont fort justes : Montesquieu les développera plus tard dans l’Esprit des Lois. Il est certain que les peuples du Nord sont en général plus braves que ceux du midi. Il est également prouvé qu’ils absorbent une quantité d’aliments bien plus considérable. Plus on s’avance dans le nord, plus cette faculte d’inglutition est prodigieuse.
  2. Ce ne furent pas les Espagnols mais les Portugais qui découvrirent le Labrador, et ils ne l’aperçurent avec Gaspard Cortereal qu’en 1501. Sebastiani Gabotto, qui voyageait alors au compte de l’Angleterre, l’avait déjà entrevu en 1497, et il est très probable que nos pêcheurs basques et bretons le connaissaient depuis bien plus longtemps.