Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lavedan et Donnay seuls ont donné à la Vie parisienne une situation dramatique autonome, et qui compte dans l’histoire, la technique, la fonction normale du théâtre. Abel Hermant trouve au théâtre un grand succès avec les Transatlantiques. Les Transatlantiques, d’abord sujet de dialogues dans la Vie parisienne, marquent une date dans la Cosmopolis parisienne, au même titre que l’autre Vie parisienne celle de Meilhac, Halévy et Offenbach, et le meilleur du dialogue s’est retrouvé, même accru, dans la pièce. Mais l’observation critique et caricaturale d’Hermant a eu beau faire au théâtre cette belle entrée, ce ne fut qu’une entrée de visite. Il ne put jamais s’installer sur la scène comme chez lui. On n’en dira pas autant d’un autre auteur de la Vie parisienne, Pierre Veber, humoriste très fin, même créateur, mais qui préféra chercher au théâtre les succès faciles du vieux vaudeville, et les obtint.

Alfred Capus, journaliste, humoriste, et dialoguiste, n’est pas à proprement parler un auteur de la Vie parisienne. En partie parce qu’il la dépasse, mais non malheureusement comme homme de théâtre. Il eut plus d’esprit que personne en son temps, et nullement, comme Scholl, de l’esprit parce qu’il n’était pas intelligent, mais de l’esprit parce qu’il était intelligent et que son parisianisme était enté sur le porte-greffe provincial : le vrai Capus est d’abord l’homme d’esprit. C’est ensuite le romancier original d’Années d’aventure et des Scènes de la Vie difficile. Il avait moins le goût et le sens du théâtre que l’intelligence du théâtre, et il y revint brillamment, la moitié du temps. Il obtint, comme Sacha Guitry, la cote de sympathie personnelle. Il la dut à une philosophie originale, spontanée, déposée en lui, fort naturellement, par sa vie et par celle des siens, une vie extraordinaire, qui mériterait un narrateur plus qu’aucune des vies parisiennes littéraires de son temps. D’où une électricité suffisante pour animer ses pièces une saison, leur faire retrouver le succès heureux, et en somme la veine de son premier succès dramatique, la Veine (1901), mais insuffisante à les garder plus longtemps pour d’autres que pour ceux qui les relisent parce qu’ils aimaient Capus.

L’école de la Vie parisienne, et Capus, nous ont fait voir entre le livre et le théâtre une liaison plus étroite qu’aux épo-