magne demeurèrent unis à la maison d’Autriche, et les protestants se joignirent à eux. La terrible guerre qui désola l’Europe de 1688 à 1697 vit l’Empire coalisé et l’Europe liguée contre la France. Louis XIV y perdit la Lorraine… Il y perdit aussi les alliés de la France en Allemagne[1] » mal remplacés par la clientèle de l’électeur catholique de Bavière qui ne donna jamais que des mécomptes. Fléchier pouvait dès lors voir dans l’Oraison funèbre de Turenne « l’Allemagne, ce vaste et grand corps composé de tant de peuples et de nations différentes, déployer tous ses étendards et marcher sur nos frontières pour nous accabler par la force après nous avoir effrayés par la multitude ». La Révocation fut le « pouvoir fédérateur » de l’Allemagne. Nous sentons encore aujourd’hui, les conséquences de cette grande erreur monarchique. Dès lors, au cas où il serait vrai que le protestantisme français représenterait un élément national mal rejoint aux autres, est-il juste d’en accuser ce protestantisme lui-même qui est ce que l’a fait une politique dont il a été le premier à souffrir ? Est-il juste de séparer les effets de la cause ? M. Maurras se méfie des protestants à cause des rancunes historiques qu’ils ont conservées contre l’ancienne France. Singulière façon d’y remédier que de chercher à y ajouter d’autres rancunes « en extirpant, non pas les hommes protestants qui sont de nos frères, mais l’esprit protestant, qui est notre ennemi et le leur[2] ». Ainsi un candidat déclarait qu’il faut demander moins au contribuable et plus à l’impôt. Observez qu’une cause d’antagonisme social fâcheux est, en France, précisément ce même raisonnement appliqué à l’aristocratie française. On lui reproche les rancunes historiques qu’elle « doit » avoir contre la France de la Révolution. Au : « Le protestant sera toujours le protestant » répond un « Les blancs seront toujours les blancs ». On contribue à créer soi-même le mal que l’on dénonce, et l’on y contribue volontiers. Brunetière, dans une discussion avec Yves Guyot, se plaint d’un procédé de polémique qui consiste à répondre non pas à ce qu’a dit son adversaire, mais à ce qu’il serait nécessaire qu’il eût dit pour qu’on lui répondît victorieusement. (Il me semble d’ailleurs que toute discussion glisse nécessairement sur cette pente savonnée.) Étendez cette méthode à la vie politique, et reprochez à un groupe les sentiments qu’il doit avoir pour justifier votre vigilance civique…
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