dans l’érudition de ce maître leur fringale d’ancienne scolastique. Il leur eût taillé de la besogne, il leur eût enseigné à rechercher cet or que Leibnitz disait caché dans le fumier de l’École, il leur eût indiqué du saint Thomas à éclairer, du Duns Scot inédit à publier, des thèses à élaborer aussi savantes que la sorbonique de M. Gilson sur les origines scolastiques du cartésianisme. Mais il leur était plus facile évidemment d’aller bourrer les crânes de leurs parents et de M. Maurras en leur racontant qu’il n’y avait rien à faire dans une Faculté germanisée et que les sorbonagres tiraient sur tout ce qui eût intéressé de jeunes nationalistes des tentures pleines, comme un rideau de théâtre, de réclames en faveur des Droits de l’Homme.
Ces polémiques de M. Maurras, qui sont d’un homme d’esprit, ont mis quelque vie et quelque couleur sur la Montagne Sainte-Geneviève, mais le positif de sa pensée importe plus que sa critique. Des dernières lignes que nous avons citées, retenons que dans une Sorbonne réorganisée à la royale, il verrait avec joie que, l’ancienne Faculté de Théologie catholique rétablie dans toute son autorité, l’honneur de lui faire pendant et de partager avec elle le magistère spirituel fût confié à une pensée organique, positive, par exemple au positivisme[1]. M. Maurras a d’ailleurs signalé lui-même dans ses fortes pages sur Comte le rapport qui existe entre la théorie du Grand Être et la pure ontologie de la première scolastique. M. Maurras, enfant de son siècle, éprouve une forte tendance à matérialiser, à convertir en institutions les directions qu’a prises sa vie intellectuelle. On s’expliquera sa conception propre du pouvoir spirituel en songeant qu’il s’est reconnu dans ce Charles Jundzill, dont Comte cite la lettre en tête de la Synthèse Subjective. Les pages qu’il lui consacre sont même, si nous en croyons le P. Descoqs une véritable autobiographie intellectuelle.
« Il ne croyait plus, et de là venait son souci. On emploierait un langage bien inexact si on disait que Dieu lui manquait. Non seulement Dieu ne manquait pas à son esprit, mais son esprit sentait, si l’on peut s’exprimer ainsi, un besoin rigoureux de manquer de Dieu : aucune interprétation théologique du monde et de l’homme ne lui’était supportable… Seulement, Dieu éliminé, subsistaient les besoins intellectuels, moraux et politiques, qui sont naturels à tout homme civilisé, et auxquels l’idée catholique de Dieu a longtemps correspondu avec plénitude. Charles Jundzill et ses pareils n’admettent plus de Dieu,
- ↑ Enquête, p. 553.