plante en elles ou que l’on confirme par elles des raisons de cette sorte.
Pareillement, la tendance de M. Maurras consiste à concevoir, dans tous les ordres, l’idée la plus nette, la plus haute et la plus puissante, à considérer moins la possibilité matérielle de sa réalisation que la dignité formelle qui en fait le prix et qui mérite que l’on combatte pour elle. Son esprit parfaitement viril n’en tire pas, comme cela se passe ordinairement dans la littérature des génies, une sorte de découragement devant l’action, de mépris et de malveillance pour la réalité : il flétrira au contraire cette attitude dans Châteaubriand. Voici une formule excellente de cette association entre la dignité du but et l’énergie de l’action. « Le réalisme ne consiste pas à former ses idées du salut public sur la pâle supputation de chances constamment déjouées, décomposées et démenties, mais à préparer énergiquement, par tous les moyens successifs qui se présentent, ce que l’on considère comme bon, comme utile, comme nécessaire au pays. Nous ignorons profondément quels moyens se présenteront. Mais il dépend de nous d’être fixés sur notre but, de manière à saisir sans hésiter ce qui nous rapproche de lui[1]. » Ainsi, il ne s’agira pas de faire entrer la monarchie en France par la porte basse et par l’escalier de service, en murmurant toujours à ses partisans comme la mère d’Uriah Heep dans David Copperfield : « Soyez humble, Uriah, soyez humble ! » en la rendant aussi élective, actuelle, parlementaire et administrative que possible, et en la montrant comme la meilleure des Républiques. Mais on la présentera dans toute sa netteté réactionnaire (réaction d’abord !), comme héréditaire, traditionnelle, anti-parlementaire et décentralisée sous la figure d’un roi qui règne et qui gouverne. — C’est le moyen de ne rien obtenir, gémit M. Piou. — Eh quel pas avez-vous donc fait, vous, en vous avançant à plat ventre ? répond M. Maurras. M. Piou et consorts « n’ont-ils pas été traînés de défaite en défaite par la modestie de leurs réclamations ? » — Peut-être ont-ils été au contraire traînés par leurs défaites successives à la modestie de leurs réclamations. Mais enfin, n’importe ! Combattre pour un but élevé, noble et total, cela ne diminue pas les chances de réussite (puisque le moyen contraire n’a pas réussi davantage) et cela réclame la netteté et la force dans l’esprit, provoque l’énergie dans l’action. À quoi bon, disait Mallarmé de la poésie, à quoi bon trafiquer de ce qui ne doit pas se vendre, surtout quand cela ne se vend pas ?
- ↑ L’Avenir de l’Intelligence, p. 279.