quest-il ? Je sais bien que cette liberté de suggestion n’est pas elle-même un état dernier, qu’au long de cette eau courante la critique intervient avec des coupes, des terrasses, des belvédères, qu’elle intègre des valeurs de jugement et d’histoire comme la poésie intégrait des valeurs de sonorité et de vie. Mais comme le soleil autour duquel se meut la terre est lui-même emporté vers la constellation d’Hercule, le même rythme enveloppe et conduit la critique elle-même : le Sainte-Beuve de M. Maurras, maître de l’« empirisme organisateur » n’est pas tout à fait le Sainte-Beuve des abonnés du Moniteur en 1860. La valeur de toute œuvre réside en grande partie dans ce rayonnement sans lequel elle ne serait rien, dans cette indéfinie fécondité par laquelle retournent en quelque sorte au mouvement et à la liberté les éléments que groupa et fixa l’ordre.
Dès lors il paraît que les exemples saisis par M. Maurras pour étayer son idéal de l’unité et de l’ordre en ce qu’il a de sommaire, de simplificateur et de nu, impliquent tous, au même point critique, le même artifice.
Dans le livre des Deux Frances, M. Seippel, dénonçant comme le germe de nos divisions françaises un « tourment » romain et catholique, semblable dans les deux partis, de l’unité, remarque que ce tourment se rattache à Rome, mais non à la Grèce, les Grecs affirmant non cette idole romaine de l’unité, mais un goût de diversité et de liberté. Il déplairait étonnamment à M. Maurras que les idées familières à son esprit ne l’eussent pas été à l’esprit des Grecs. Il accorde que « les Grecs ont donné au monde le spectacle d’un libertinage effréné en politique et en morale, et il est vrai qu’ils l’ont payé. » Je crois — en passant — qu’il accorde trop, ici, et exagère ce « libertinage ». L’idée la plus haute de la politique, la soumission du citoyen à la loi et à la loi seule est une idée grecque, et les constitutions politiques des Grecs sont des chefs-d’œuvre d’ingéniosité et d’industrie intellectuelle, aussi bien que leur géométrie, leur langue ou leur architecture. En morale ? C’est faire beaucoup de bruit pour ce qu’on a nommé l’amour grec, de même qu’on appelle Grecs ceux qui trichent au jeu, comme si les Hellènes étaient seuls à faire dévier ici la nature et là la fortune. Le genre de libertinage qui faisait le plus d’horreur aux Grecs et qu’ils punissaient le plus sévèrement était l’adultère, et le foyer du Grec était protégé plus que celui des modernes par la coutume et par la loi. Mais enfin il est vrai que le génie grec répugnait à ce que la Grèce s’unifiât en État, et il est vrai que la pensée grecque a poussé