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Églises de France. Les pages de Trois Idées Politiques classent en la bousculant un peu cette idée romantique.

L’État, reconnaissant que le catholicisme est le bien, ne proposera ni contre lui, ni sans lui, ni avec lui, aucun autre bien : il n’aurait à le faire que s’il se chargeait de l’éducation, mais, dans l’État restauré de M. Maurras, « du service de l’État les maîtres de l’enseignement secondaire passeront sans secousse au service des familles, qui sont souveraines en matière d’éducation »[1], et l’enseignement supérieur sera libre. Dès lors aucune des trois causes qui l’amenaient à exercer un pouvoir spirituel ne subsistant, « il semble que l’État moderne, délivré des fardeaux et des responsabilités de l’éducation, n’ait désormais aucune raison précise d’embrasser une foi religieuse et philosophique plutôt que la foi opposée. Mais des causes fort énergiques (le sentiment, la tradition, la somme de grands intérêts nationaux) l’inclineraient non seulement à respecter le catholicisme, mais à le distinguer et à l’honorer, comme la plus ancienne et la plus organique des réalités nationales ». Le distinguer cela signifie le distinguer des autres, et l’honorer c’est l’honorer contre les autres. Si l’État perdait l’habitude de tracasser, il ne serait plus l’État : « Devant une secte d’iconoclastes ou de skoptsky, de mormons et de quakers, il est bien difficile de nier le droit de l’État à certaines appréhensions. On ne peut donc lui dénier non plus le devoir de se mettre en défense et d’exercer une surveillance ferme et discrète. Telle est sa charge, et, si l’État français l’exécute bien, les protestants, les juifs et les déistes seront vite placés dans l’impossibilité de lui nuire. Ils y seront d’autant plus impuissants que l’État se sera mieux efforcé de s’appuyer sur les groupes archistes, traduisons : ceux qui enseignent la nécessité de l’organisation politique et morale… groupes politiquement fédérés, dogmatiquement hostiles : les catholiques d’une part et d’autre part les athées, les païens et les positivistes[2] ». Ces quatre groupes fédérés vont donc remplacer au spirituel les « quatre États confédérés ».

Mais l’amour du rythme quaternaire paraît imposer à M. Maurras bien des fausses fenêtres, et les trois derniers groupes archistes ressemblent un peu aux deux consuls figurants dont la présence sauvait tant bien que mal aux côtés du Premier Consul la forme républicaine. Nous ne les rencontrons pas très souvent dans nos promenades. Les

  1. La Politique Religieuse, p. 15.
  2. Id., p. 12.