positivistes ? Évidemment, il en existe en France plusieurs douzaines repartis comme il convient en Églises rivales : l’État qui s’appuierait sur eux ne marcherait pas avec une canne bien solide. Les païens ? Cela doit être encore plus difficile à trouver. Il y en avait deux naguère, Louis Ménard et un de ses amis. Un jour l’ami se jeta par une fenêtre parce que les Dieux de la Grèce l’appelaient. Et le brave homme qui annonça à Ménard la mort de son unique coreligionnaire lui dit en pleurant : « Je savais bien qu’il était fou, mais je croyais que c’était comme vous ! » Quelque temps après, le délicieux auteur des Rêveries d’un païen mystique s’évapora, lui aussi, mais avec la douceur des fumées bleues que son neveu, René Ménard, fait monter d’un paysage antique. Et maintenant, de païen, il n’en est plus qu’un, c’est M. Maurras, qui nous conte ainsi ses enfances : « Dessiné par Homère, son jeune univers se parait de divinités inégales, mais uniques de force, de caprice et de volupté. Ayant trouvé dans un album l’aimable figure des Grâces liées de guirlandes de fleurs, les fossettes de leurs nobles académies lui parurent le signe de sa religion. Soit, disait-il un peu plus tard au catéchiste, mais pourquoi pas Phébus-Apollon ou Pallas[1] ? » — Les athées ? Il y en a évidemment beaucoup, mais la dernière chose à laquelle songe un athée, c’est bien à constituer avec d’autres athées un groupe organique et archiste. Il a existé longtemps, il existe peut-être encore un groupe blanquiste qui s’appelait Ni Dieu ni maître. Athéisme militant et anarchisme ont toujours été de pair. D’athéisme archiste on n’en connaît qu’un depuis que Jules Soury est mort, celui de M. Maurras lui-même. Il est vrai qu’à un adversaire qui l’avait appelé un « païen athée », M. Maurras répond : « Si je suis athée, comment suis-je païen, et païen comment suis-je athée ?[2] » Évidemment M. Maurras ne saurait être l’un et l’autre sous le même rapport. Mais enfin M. Maurras se range parmi ceux qui « éprouvent le besoin vigoureux de manquer de Dieu » et pour lui l’athéisme, marque en lui de loyauté et de sincérité, n’est point le commode mais le vrai. D’autre part, pour l’auteur d’Anthinea, le paganisme figure bien ce que représentait le fétichisme pour Auguste Comte, l’essence religieuse qui correspond le mieux à son sentiment non de l’ordre politique, mais du cœur et de la beauté. En tout cas c’est lui-même qui parle de païens organisés en groupe, et je ne pense pas qu’il entende par là les derniers adorateurs de Jupiter. Mais enfin
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