époques d’unité qu’il voudrait gardées de toute agitation, de tout courant extérieur, telles sont pour lui les formes authentiques et pleines de la durée. Durer ce n’est pas céder au temps, c’est lui résister, c’est lui dérober ce qui vaut la peine et mérite l’honneur de subsister, c’est lui imposer une figure plastique. Ainsi « la prévoyance politique des peuples civilisés utilise toujours l’unité et l’hérédité pour maîtriser la complexité des affaires et s’emparer de l’avenir pour conduire à des fins humaines la course sans règle du Temps[1]. »
De telles puissances vivantes au foyer intérieur d’une âme engendrent nécessairement dans tous les ordres une attitude conservatrice. « Le goût des belles choses, le sens de leur ruine possible, le désir passionné de les défendre et de les perpétuer autant qu’il est dans l’homme, qu’il s’agît des toiles du Louvre (si menacées par la Commune) ou des marbres de l’Acropole (encore une fois sous les canons destructeurs) cette fièvre sacrée, émue de la pitié du beau et des meurtrissures qui le dévorent, nous fit opter, voilà près de trente ans peut-être, pour les mesures ou les mouvements de conservation plutôt que pour les mouvements et les mesures de l’anarchie alors à la mode[2]. » L’idée de la durée se confond avec celle d’un héritage à défendre, d’un passé à perpétuer. La monarchie est la figure de cet héritage et le roi le délégué de ce passé. Pas de perpétuité véritable dans un corps, dans un groupe, si cette perpétuité n’est pas personnelle, si elle ne se confond pas avec la perpétuité d’une famille investie de la durée même de l’État. Toute la politique de M. Maurras s’affirme par sa tête et par ses racines, par sa monarchie héréditaire et ses républiques décentralisées, comme une politique de la tradition et de la durée.
Le style de la durée, telle que M. Maurras la conçoit, n’est pas celui d’une phrase musicale, mais d’une phrase oratoire, construite et solide : « Sous la simple menace de l’empereur allemand, on n’avait guère fait que des réponses démocratiques et républicaines, c’est-à-dire discontinues et brèves, comme il convient aux êtres qui sentent à peine, enchaînent peu, ne pensent rien : notre œuvre aura été d’éclaircir la vue du péril, et de la débrouiller, et de la rendre intelligible, d’en faire chaque jour un rappel très concret[3]. » écrit-il des événements dont la courbe est dessinée par Kiel et Tanger. Le propre de l’humanité supé-