Page:Thibaudet – Trente ans de vie française – Volume I.djvu/252

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tentés pour remonter sur ce trône, en sont tombés, ou bien n’y sont pas remontés. Un autre essai sera peut-être le bon. Mais, en ce qui concerne le passé, une carence ainsi répétée et confirmée doit provenir d’autre chose que d’accidents, — et comporter des causes profondes.

On ne l’expliquera pas en disant qu’elle est due à ce divorce du roi et de la nation, que l’on fera remonter soit aux journées des 5 et 6 octobre, soit à la fuite de Varennes. On peut obtenir une idée claire et juste, quoique complexe, de ce qu’a été l’union progressive, le mariage total et fidèle de la France et de la monarchie sous ceux que M. Maurras appelle les quarante Pères de la Patrie. Mais le divorce qui suit cette longue union et qui a lieu sous des princes nullement inférieurs, en général, aux princes sous lesquels s’était opérée l’union, reste encore, unique en Europe, un sujet d’étonnement. Trois causes, que l’on discerne lointainement plus qu’on ne les cerne précisément, pourraient être invoquées, mais en laissant encore pour résidu l’essentiel du problème.

On reconnaît d’abord une longue lézarde qui court depuis Henri IV sur toute la maison de Bourbon, celle de la mésentente intérieure, celle de l’orléanisme. La rivalité des deux fils de Henri IV faillit compromettre l’avenir de la monarchie française. Quand on voit tout ce que cette monarchie doit au génie de Richelieu, quand on assiste à ses luttes tragiques pour conserver les quelques pieds carrés du cabinet du roi, quand on songe que jusqu’à la naissance de Louis XIV la France avec un roi toujours malade peut tomber du jour au lendemain dans l’anarchie féodale avec Gaston Ier, on découvre et on mesure l’abîme qu’à ce moment la branche des Bourbons-Orléans faisait courir à la France de la branche aînée. Mes camarades de Henri IV se souviennent de la véhémence avec laquelle notre professeur d’histoire, M. Dhombres, nous dénonçait comme les fléaux de la France depuis la guerre de Cent ans « ces cadets de France, ces cadets de France… » Heureusement Gaston n’eut qu’une fille, et le mariage de Louis XIII cessa d’être stérile. Mais le remède pouvait ramener le mal, car Louis XIII n’eut pas un garçon, il eut deux garçons, — et le second allait faire un nouveau duc d’Orléans. La fortune voulut que Monsieur, flottant sur les limites incertaines de deux sexes, ne fût jamais dangereux. Mais la nouvelle maison d’Orléans fondée durablement par lui allait recommencer, les temps redevenus troubles, à constituer un péril. De Gaston à Louis-Philippe, l’orléanisme n’apparaît qu’aux moments