instructives ». M. Maurras, qui incarne sans doute l’un de ces anciens Grecs, se complaît à ces réflexions. Il a rencontré sous une forme mortelle la déesse de la bonne fortune. Il a saisi la destinée dans sa courbe vivante, comme Apollon Daphné au moment où la nymphe s’enracine et se mue en arbre. Et il conclut :
« Il est permis de préférer à l’amusant détail de cette intrigue de château et de salon la poétique aventure de Jeanne d’Arc. Ainsi notre XVe siècle apparaît-il comme supérieur au XIXe. Mais, à peu près comme chevauchées de la Pucelle, les allées et venues de Mme de Coigny laissent voir le jeu naturel de l’histoire du monde. Il ne s’agit pas d’être en nombre, mais de choisir un poste d’où attendre les occasions de créer le nombre et le fait… Un moment vient toujours où le problème du succès est une question de lumières et se réduit à rechercher ce que nos Anciens appelaient junctura rerum, le point où fléchit l’ossature, qui partout ailleurs est rigide, la place où le ressort de l’action va jouer[1]. »
Ce sont les dernières lignes de l’Avenir de l’Intelligence, et les derniers mots marquent le tournant qui au cours d’une vie humaine, au milieu de son chemin, engage l’homme dans l’action délimitée et stricte dont l’épure, comme le cylindre d’Archimède, s’inscrira seule sur son tombeau. Point, et place, et ligne étroite comme le sillon dans un champ ou le sillage sous la proue, mais toute l’histoire humaine est faite de ces courbes, les unes géométriques, les autres inorganiques et d’autres vivantes, parmi lesquelles quelques privilégiées dessinent ou circonscrivent la figure d’une destinée immortelle. C’est en suivant ces pistes et en approfondissant ces traces que la science de la bonne fortune, l’εὐτυχία (eutuchia) dont Socrate a déjà formulé le concept, s’est ramassée, est devenue vivante et plastique en trois théories sociale, française et royale.
- ↑ Id., p. 285.