IX L’ANTI-FRANCE
L’ennemi c’est l’Allemagne, et M. Maurras est de ceux qui n’ont pas attendu 1914 pour lui ménager leur persévérante antipathie : tout le monde a présente à l’esprit la campagne clairvoyante d’avant-guerre menée près de lui, dans l’Action Française, par M. Léon Daudet. M. Maurras s’est réservé le spirituel de la défense anti-allemande, et les articles sur le Service de l’Allemagne, écrits en 1895 et recueillis dans Quand les Français ne s’aimaient pas, le montrent dès cette époque en communauté de pensée avec M. Maurice Barrès, pourvu de ce que M. Louis Bertrand appelle le sens de l’ennemi, armé de toutes ses méfiances et de toutes ses haines contre le germanisme. En opposition à sa théorie de la France, il a donné en des pages éparses une théorie de l’Anti-France, écrit son chapitre des Inimitiés Françaises.
M. Maurras a dit un jour, je ne sais plus où, que lorsqu’il était enfant le plus bel exploit militaire lui paraissait être de s’emparer des canons de l’ennemi et de les retourner contre lui. C’est un peu la manière qu’il emploie dans son offensive intellectuelle contre l’ennemi héréditaire. Vers 1895 on traduisit en français les Discours à la nation allemande, de Fichte, et ce fut une des lectures qui frappèrent le plus M. Maurras. Il se proposait déjà et il se proposa davantage encore par la suite, l’affaire Dreyfus aidant, de consacrer sa vie à adresser des Discours analogues à la nation française. Évidemment la France de 1895 n’était pas dans la position de l’Allemagne de 1806, mais M. Maurras la voyait sur la pente qui devait l’y conduire. Il la voyait conquise et minée par des infiltrations, avant d’être recouverte et ruinée par le torrent. Il pensait discerner les causes du mal et ses remèdes. Il se proposait de déterminer, comme le philosophe de l’Université de Berlin, une réforme intellectuelle, condition de la réforme nationale.
« Ce n’est point notre genre humain, mais son Allemagne que Fichte a renouvelée. Regardons comme il s’y est pris. Il a suivi l’ins-