c’est une famille, la famille des rois capétiens. Et si Michelet a pu appeler la France une personne, c’est qu’il apercevait dans le miroir français le reflet de la personne royale, c’est que la Fête des Fédérations ressemble sur la terre de France à cette illumination crépusculaire des Alpes qui se développe sur leur couronne lorsque le soleil est tombé derrière l’horizon. La Révolution met le Français en face de la France comme le protestantisme met le fidèle en face de la Bible : sans médiateur, sans régulateur, sans Tradition qui interprète cette Écriture. Entre l’individu qui passe et le pays qui demeure, il faut un délégué à la durée, qui participe de l’un et de l’autre, qui adapte l’un à l’autre : ici le corps perpétuel de l’Église romaine, là le corps perpétuel d’une famille.
M. Barrès qui incarne les formes les plus hautes, les plus complètes et les plus délicates du nationalisme sans le roi signifierait assez bien, ici, la filiation de Michelet et de Rousseau. Il a donné en sa pleine richesse la formule du patriotisme direct et sentimental tel qu’il éclate dans la Fête des Fédérations : l’homme en face de la terre écoute la source et l’horizon, la colline et la prairie exhaler leur musique et lui composer une âme. La Colline Inspirée dénonce le péril de cette attitude en matière religieuse ; un maurrasien en écrirait le pendant politique. Les Amitiés Françaises rappellent par bien des traits l’Émile de Rousseau, mais c’est un Émile où l’enfant comme un jeune héritier comblé est mis en présence de tous les sourires et de toute la tendresse de la nature et de l’histoire. Élément de plaisir qui entre d’ailleurs dans tout nationalisme, et que M. Maurras serait évidemment le dernier à exclure. Dépouillé de son caractère sensible et sensuel, présenté simplement à la raison et au bon sens, il deviendra la connaissance de l’intérêt général, telle que le nationalisme de M. Maurras aussi bien que celui de M. Barrès s’efforce de la répandre. Que la notion de l’intérêt général puisse ainsi descendre dans l’opinion et régner sur elle, on le jugera possible ou non selon que l’on présumera beaucoup ou que l’on se méfiera beaucoup de la nature humaine, que l’on aura sur elle une vue optimiste ou pessimiste. La morale de Spencer qui se propose de faire coïncider chez tous l’intérêt général avec l’intérêt particulier fut présentée en 1882 par Gambetta et son entourage comme devant fournir la vraie morale d’une démocratie. Mais écoutez un philosophe qui juge la nature humaine à sa vraie valeur.
« Pour fonder un État parfait, dit Schopenhauer, il faudrait commencer par faire des êtres à qui leur nature permettrait de sacrifier