de notre force intérieure et extérieure, il deviendra possible d’en venir à l’action », l’action « pour la reprise de notre bien, et l’action en vue d’une paix européenne et planétaire qui, mettant fin à l’anarchie barbare de nos races supérieures, mérite enfin d’être appelée la paix française, seule digne du genre humain ».
On trouve dans cette solution une combinaison élégante et juste de plusieurs éléments qui cadrent fort bien. D’abord l’idée de la politique traditionnelle d’autrefois, telle qu’elle se définit clairement, lucidement au temps de Vergennes ; puis les plans d’Auguste Comte pour la régénération de l’Occident tels que les exposent la Politique Positive et le Catéchisme positiviste ; enfin un ordre de distribution politique qui semble bien être impliqué dans la destinée actuelle du monde, puisqu’il tend à se réaliser par la Société des nations, l’idéal encore brumeux qui apparaît au-delà des champs de carnage d’hier et du tapis vert d’aujourd’hui. M. Maurras estimait qu’avec le roi, on pourrait « réorganiser une armée » et « nouer une intime et sérieuse entente autrichienne ». Quand M. Maurras écrivait cela, ses songes étaient faits de sympathies catholiques et de souvenirs tant de 1756 que de Sadowa : c’était retarder un peu à une époque où le bloc central des deux Empires était inévitable, soudé par tant d’intérêts communs. N’empêche que la monarchie des Habsbourg, par sa souplesse et sa durée historique, par son caractère fédératif, aurait pu figurer légitimement dans l’Europe centrale une idée de paix analogue à l’idée de paix française et, comme le disait le comte Czernin, à l’idée de paix américaine. Le « système » qui dura de 1756 à 1792, assoupli et élargi selon un rythme germanique et politique, général et planétaire, eût été au XXe siècle le salut de l’Europe : mais n’était-il pas inévitable qu’on le vît trop tard ?
L’utopie qui termine Kiel et Tanger vise à rétablir l’esprit des traités de Westphalie, — et pendant la guerre c’est un morcellement de l’Allemagne analogue à celui des mêmes traités que M. Maurras préconisait ardemment. « Cette ligue de menus peuples pourrait nous déférer son commandement militaire, et la politique éternelle des rois de France, volonté d’empêcher la Monarchie universelle ou l’accroissement excessif de telle ou telle coalition, recommencerait à rayonner efficacement de Paris… La chrétienté unie n’existant plus depuis la Réforme, il n’en subsiste pas moins une civilisation commune à sauvegarder. La France peut en être le soldat et le gendarme, comme le Siège catholique romain peut en redevenir le docteur et le promoteur. »