Libre constituée avec sa maxime de sentir le plus possible en analysant le plus possible. Contradiction évidemment, mais nécessaire pour fournir le sel ou le goût d’amertume indispensable au genre. — Ensuite il fallait que l’exemple de ses prédécesseurs le gardât de leur redite. Cette littérature était devenue cliché. Elle se matérialisait en des formules. Avec Sainte-Beuve, avec Renan, elle se confondait avec la critique, et la critique ne fournit qu’une vie intérieure, une vie extérieure et même une vie intellectuelle à deux dimensions, comme un espace sans profondeur. Châteaubriand, Sainte-Beuve, Renan et leurs confrères des ordres mineurs comme Benjamin Constant pouvaient servir d’intercesseurs, il fallait les dépasser et être soi. — Enfin il était bon qu’un autre Génie que le Génie religieux fût produit à la lumière. Génie du Christianisme, Génie de Port-Royal, Génie de l’histoire religieuse s’étaient succédé sous ces trois visages, un peu fraternels, de sensibilité et d’intelligence. Il n’y avait pas eu de Génie de la France au XIXe siècle parce qu’on vivait dans la France intérieure et qu’on la respirait : on n’avait pas à la considérer d’une digue, — pas plus qu’au XVIIe siècle on n’eût cherché le Génie de la religion alors que la religion était une chose vivante, dramatiquement et intensément éprouvée. Le nationalisme de M. Barrès, avec les fonds très riches qui le rendent la plus délicate des œuvres d’art, constitua un Génie de la France, vue des plus différentes digues, — non seulement de la colline de Sion, mais de ce fauteuil de l’Homme Libre hors duquel on ne peut penser noblement, du musée ethnographique qu’est le Palais-Bourbon, des nostalgies grecques et de bien d’autres choses encore, généralement de l’individualisme des Trois Idéologies.
Vous séparerai-je ici de Barrès ? Non. Le Génie de la France, le nationalisme français ont en lui et en vous, comme la France elle-même, leur Nord et leur Midi, leur ionique et leur dorique, leur brève et leur longue. Vous avez joint au Génie de la France un magnifique Génie du Catholicisme, et ce sont ces deux belles Idées que ce livre que j’écris m’aidera à regarder de plus près. Mais la littérature des Génies, la loi même du genre, exigeait que vous vissiez l’ordre dont vous êtes les beaux prophètes — ces Prophètes du Passé dont parlait Barbey — l’un avec les yeux du « fameux individualiste » et l’autre avec les yeux du « petit anarchiste ».
M. MAURRAS. — Monsieur, un philosophe, M. Palante, a écrit un livre qui s’appelle Combat pour l’individu. À la bonne heure !