d’abandonner cette liberté où il se trouvait comme dans une prison, et de se limiter plus étroitement à un sillon plus profond et plus fertile. D’autre part le public qui se montrait favorable à ces idées n’était point tout à fait celui qu’on aurait pu croire. Elles étaient accueillies plutôt avec quelque froideur dans le vieux monde conservateur, qui s’ouvrait alors au ralliement et auquel les pensées de M. Maurras apparaissaient par leur côté escarpé et paradoxal. N’oublions point d’ailleurs qu’avec quelque souci peut-être de vivre dangereusement, ce monarchiste ne dissimulait point son paganisme et parlait avec mésestime de tout ce qui étant chrétien n’était pas strictement catholique. Mais il était goûté des lettrés, et dans certains groupes littéraires intéressants, comme à Aix celui des Pays de France qui réunissait Joachim Gasquet, Georges Dumesnil et Louis Bertrand, l’arrivée quotidienne de la Gazette était impatiemment attendue.
C’était l’ombre encore, pourtant, ou, si l’on veut, un clair-obscur où la pensée de M. Maurras réunissait pour une élite toutes ses puissances de fraîcheur et de solidité : temps de la musique de chambre. M. Maurras en sortit avec cette Affaire Dreyfus qui l’accoucha décidément à la place publique et à la lumière complète. Il en sortit à deux reprises éclatantes. Ce fut d’abord lorsque, la découverte du faux Henry ayant jeté le désarroi dans le parti nationaliste, M. Maurras s’élança le premier dans la mêlée pour couvrir le colonel auteur du document que les dreyfusards rangeaient parmi les faux.