Au troisième thème comique que dégage M. Bergson, celui de la boule de neige, il semble au premier abord que rien ne réponde dans Molière. M. Bergson n’en donne pour exemple que les péripéties accumulées par le hasard dans le vaudeville ordinaire. En réalité il s’agit du type de vaudeville dont la formule a été fournie à la deuxième moitié du XIXe siècle par le Chapeau de paille d’Italie, et dont la vogue ne paraît pas encore épuisée. N’est-ce pas cependant à ce thème qu’on peut rattacher l’Étourdi ? Le fait que la pièce est empruntée à un original italien, d’ailleurs fortement modifié, n’importe pas : Molière a choisi, traité, animé le sujet. L’Étourdi est un enlèvement différé par des circonstances qui font boule de neige, comme le Chapeau est une noce dont le terme est différé par un enchaînement analogue. Mais la boule de neige, qui soumet les caractères aux circonstances, n’est que le plus bas degré du comique, et Molière, dès les Précieuses Ridicules, retournera définitivement cette formule, en soumettant les circonstances aux caractères. Déjà dans l’Étourdi, l’intérêt était non seulement dans la boule de neige, mais dans l’entrain et le génie de Mascarille, crevant tous les obstacles comme un écuyer de cirque des cercles de papier.
Si le plus bas degré du comique est représenté par une comédie où il n’y a que des circonstances sans caractères, le plus haut degré serait peut-être atteint par une comédie où il n’y aurait que des caractères sans circonstances. Et tel est précisément le cas du Misanthrope.